La Sieste
juillet 1925 - septembre 1925
La Sieste
juillet 1925 - septembre 1925
« La spontanéité absolue qui sera celle de Miró à cette époque est l'accomplissement même du rêve sur la toile.» (Jacques Dupin, poète et historien de l'art)
Sur un fond bleu - « la couleur de [s]es rêves » - Joan Miró compose un paysage elliptique. Préparée par plusieurs dessins, la femme étendue au bord de la mer est ici réduite à une forme blanche arrimée au fond par des fils. Le cerf-volant et le cadran solaire se résument quant à eux à une voile bleue, au nombre 12 et à une ronde de points traversée par une délicate flèche anthropomorphe. Comme dans un poème, chaque élément peut revêtir plusieurs sens et se charger d'une portée symbolique ou énigmatique.
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 113 x 146 cm |
Acquisition | Achat, 1977 |
N° d'inventaire | AM 1977-203 |
En salle :
Informations détaillées
Artiste |
Joan Miró
(1893, Espagne - 1983, Espagne) |
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Titre principal | La Sieste |
Date de création | juillet 1925 - septembre 1925 |
Lieu de réalisation | Oeuvre peinte à Montroig |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 113 x 146 cm |
Inscriptions | S.D.B.DR. : Miró. / 1925. [à la peinture rouge, jaune et noire] |
Acquisition | Achat, 1977 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 1977-203 |
Analyse
Formidable renversement opéré par Miró, à l’automne 1924, avec la première peinture monochrome bleue qu’est Baigneuse (Donation Louise et Michel Leiris, AM 1984-618), et bientôt avec La Sieste (cat. rais. I, n o 119), encore plus elliptique : les nombreux motifs graphiques des toiles précédentes semblent disparaître dans le maelström des bouillonnements de matière picturale qui, brossée et aérée, et, dans La Sieste , quasi transparente, constitue le « fond » de la toile et, désormais, son motif. La couleur bleue de ce fond – ce bleu cher à Miró, le bleu du ciel et de l’eau mêlés (la scène invoquée dans La Sieste se passe au bord de la mer), mais aussi celui de l’azur mallarméen et de l’ azul espagnol, ce bleu des peintres mystiques qu’il affectionnait dans ses premières toiles – est désormais, pour lui, la « couleur de ses rêves ». Par sa fluctuation lactée, il évoque, dans La Sieste , l’agitation et l’incertitude, et par sa matité onctueuse, la volupté de cette heure d’abandon. S’y baigne le fantomatique « corps de dame » – maison et robe mêlées – qui s’étire en une lascive oriflamme blanche, arrimée à l’espace par des filigranes ténus, et ordonnant d’un œil noir les éléments tout autour. Miró invente là un espace de palpitation visuelle et poétique, dont la plasticité mouvante est exacerbée par la précision horlogère des inscriptions noires – lettres, lignes, points – soigneusement calligraphiées et placées comme dans une partition musicale. Il s’agit, pour suivre Rosalind Krauss (« Magnetic fields : the structure », Magnetic Fields , cat. exp., New York, Guggenheim, 1972) reprenant le titre d’André Breton pour son ouvrage fondateur de l’écriture automatique surréaliste, d’un « champ magnétique », c’est-à-dire d’une cartographie naturelle, libérée de toute contrainte descriptive et rationnelle, et où se meuvent, en entrant en énigmatique fusion, les résidus d’une réalité oubliée ; d’un champ de résonance, de pulsation et de vibration, ouvert en tous sens et à tous les suspens, et où le plein et le vide, le lourd et le léger, le haut et le bas, le réel et le virtuel, le précis et l’informe entrent en mystérieuse équation.
Soumission à la « dictée de l’inconscient » ? Le travail de décantation du réel et de synthèse métamorphique qu’attestent les deux études pour La Sieste , dessinées à un an de distance dans les Carnets catalans (FJM 609a et 636 b), la première, encore très descriptive et anecdotique, la seconde, elliptique, ressortit bien à une procédure d’hallucination, comme le précise Jacques Dupin : « La spontanéité absolue qui sera celle de Miró à cette époque, écrit-il, n’est jamais un automatisme. Elle résulte de la soumission naturelle, docile, frémissante de la main aux impulsions intérieures, elle n’est pas la représentation, ni l’interprétation, mais l’accomplissement même du rêve sur la toile. » (J. Dupin, Paris, 1993, op. cit. , p. 120). Brossant sa toile à l’horizontale, tournant autour d’elle (sont visibles les gestes rotatifs du bras comme les marques du châssis), Miró initie une pratique picturale, empathique et gestuelle, que retiendront plus tard des peintres du all over , les expressionnistes abstraits américains, comme Pollock. La gravité de sa pratique est celle d’une fusion toute « primitive » avec la nature : « J’ai une forte envie, écrira-t-il à son marchand Pierre Loeb, en 1927, d’avoir des rapports amoureux , pour ainsi dire, avec ma terre , me coucher sur le sable et lécher ce beau ciel »(A. de la Beaumelle, Paris, 2004, op. cit. , p. 332).
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007