Peinture (Tête)
été 1927
Peinture (Tête)
été 1927
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 195 x 130 cm |
Acquisition | Dation, 2003 |
N° d'inventaire | AM 2003-3 (2) |
En salle :
Musée - Niveau 5 - Salle 21 : L'atelier d'André Breton / David B.
Informations détaillées
Artiste |
Joan Miró
(1893, Espagne - 1983, Espagne) |
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Titre principal | Peinture (Tête) |
Titre attribué | Personnage |
Titre de l'ensemble | Mur de l'atelier André Breton |
Date de création | été 1927 |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 195 x 130 cm |
Inscriptions | S.D. en bas à gauche : Miró / 1927 |
Acquisition | Dation, 2003 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 2003-3 (2) |
Analyse
Cette très monumentale et nocturne Tête est totalement atypique dans la production des années 1926-1927, marquée d'un côté par la série catalane des «Paysages imaginaires», où des éléments figuratifs d'étranges saynètes (oiseau, sauterelle, lièvre, coq, astre, échelle...) ponctuent, telles des pastilles collées, de grands aplats de couleur, partagés par la ligne d'horizon ; et de l'autre, par la série parisienne dite du «Cheval de cirque», plus abstraite, austère et quasi monochrome, où points, lignes, formes résiduelles non identifiables flottent dans des espaces vides. De même format que les «Paysages» - et probablement appartient-elle encore à cette série, dont elle constituerait, en contrepoint, l'ultime avatar -, la toile n'est occupée au contraire que par une seule et massive figure : un socle rocheux surmonté d'une tête de géant au profil sinueux d'un rivage, au nez pointu et rouge d'un volcan, à l'œil caverneux d'un cyclope, à la bouche incisée d'un fjord. Cette apparition fantomatique, issue d'un cauchemar familier, est-elle un paysage lunaire et caverneux miroitant à la lumière de la lune ou d'un incendie? Un pantin monstrueux en forme de fève ou de palette (figure familière de Miró), venu, tel un totem, des temps ancestraux? Ambiguë, rude, grinçante, presque ingrate, cette fantasmagorie relève bien de la volonté qu'affiche alors Miró de déjouer toute logique figurative ou narrative, et, surtout, de se défaire de toute séduction picturale ou poétique : voulant «assassiner» plus loin encore la peinture, il ne va pas tarder, en 1928, à concevoir les portraits des «Danseuses espagnoles» comme des assemblages d'éléments de rebuts, et ainsi à proposer trois interprétations dérisoires de l'icône espagnole par excellence.
En 1926, Miró a quitté la rue Blomet pour la rue Tourlaque, à Montmartre, où il retrouve Arp, Ernst, côtoie Magritte : peut-être y a-t-il dans le dessin biomorphique franchement découpé de cette Tête un écho aux formes organiques sculptées dans le bois par Arp, ou encore une similitude avec les créatures spectrales de Max Ernst, elles aussi monstrueuses et menaçantes, telle Chimère (1928, AM 1983-4) ? Quoi qu'il en soit, Miró fait preuve ici, avec l'humour qui lui est propre, non seulement d'une grande puissance visionnaire - il la retrouvera dans les figures ubuesques et incendiaires de Tête d'homme (1935, AM 1991-303) et du grand Faucheur (1937) -, mais aussi d'une capacité à proposer un schème visuel efficace qui ait valeur et fonction d'emblème universel. C'est sans doute la magie primitive, tellurique, de cette Tête , qui a séduit André Breton : il en fait l'acquisition en 1930 pour l'accrocher au mur de l'atelier de la rue Fontaine, où elle occupera jusqu'à la fin la place centrale, au-dessus de son bureau.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007