Move 2022

Pour cette édition à Paris, le festival Move s’intéresse à la question du corps collectif. Comme le corps individuel, il a eu à subir les effets de la pandémie, et les restrictions de contacts imposées avec la fermeture des lieux d’art et de convivialité. Le regard que nous portons sur des corps se déployant ensemble dans un même espace s’est transformé à la suite de cette expérience, et la beauté, la force, l’énergie qu’ils développent semblent désormais d’autant plus prégnantes.

Le corps collectif peut être envisagé comme un spectacle fascinant à contempler ou comme un espace communautaire où se mêler, rassemblant des personnes qui créent des liens entre elles. Move explore ces différentes approches à travers le travail d’une douzaine d’artistes. Au cœur de nombre de leurs œuvres se dessine la tentative de dépassement de l'individualité – la complexité du monde actuel échappant totalement à la notion de liberté individuelle comme pouvoir d'agir et requérant une action collective. Comme cela a pu être observé pendant la pandémie, la division est encore plus forte entre ceux qui revendiquent la liberté comme un droit de simplement faire ce qu'ils veulent, et ceux prêts à mettre de côté certaines de leurs libertés à la recherche d'un corps collectif représentant plus que jamais un véritable espace sûr.

C’est cette énergie que l’on peut ressentir devant les performances de l’artiste danois Esben Weile Kjaer qui présente pour Move, Burn!, une performance autour d’un élément à la fois fascinant et dangereux, qui a de tout temps rassemblé les personnes, le feu, évocateur de rites et de sorcellerie. L’ensemble de son travail souvent défini avec un concept de communauté radicale est imprégné d’une esthétique du « nightclub », jouant des codes entre défilé de mode et fête, des boules à facettes et ballons dorés aux fumées et maquillage appuyé, de la musique techno aux étreintes soudaines.

Le toucher, la salive, les différents états de la peau vue à la fois comme membrane protectrice et vulnérable fascinent Lukáš Hofmann et se retrouvent dans ses performances et films. L’artiste tchèque explore dans son travail l’esthétique et la dynamique du groupe, inventant des objets d’échange au statut hybride et mystérieux et donnant à voir des cérémonies étranges évoquant les rites d’initiation.

Move évoque également la critique du corps productif, avec l’artiste britannique Cally Spooner, qui aborde le temps non productif des corps, souvent nommé « temps mort », pour développer une œuvre programmatique prenant in fine la forme d’un opéra. Les artistes Julia Gryboś et Barbora Zentková, proposent une critique analogue en s’intéressant à la fatigue collective qui survient désormais face à l’exigence constante de rendement qui se porte sur les corps.

De plus en plus, la conscience de partager une même planète avec des milliards d’autres êtres, humains et non humains, imprègne nos gestes et nos pensées. Ces préoccupations se retrouvent souvent au cœur des réflexions des artistes, notamment l’artiste tchèque Marie Tučková imprégnée d’écoféminisme et de nouvelles représentations du corps féminin, ou Daniela et Linda Dostálková dont le corps individuel semble se démultiplier en une forme d’avatar oscillant entre grotesque et légendaire.

L’artiste Mona Varichon, à travers sa web-série autour des résidents de la Cité des arts, expose quant à elle le quotidien d’une communauté artistique. Enfin, les performances de l’auteur et poète Tarek Lakhrissi et de la performeuse Teresa Vittucci offrent des moments de cohésion avec le public sous forme de cabaret ou de clubs de lecture.