Untitled (Sans titre)

Aujourd’hui connue pour ses peintures légères d’arbres fleuris peuplés de singes – s’inspirant à la fois de la peinture asiatique et d’Henri Rousseau –, Laura Owens a débuté sa carrière au milieu des années 1990 avec des tableaux plus conceptuels qui jouent avec les idiomes de l’abstraction américaine, de Barnett Newman à Mary Heilmann (qu’Owens apprécie beaucoup). Dès sa première exposition personnelle à Santa Monica en 1995, l’artiste propose des intérieurs de galeries d’art représentés selon une perspective fuyante. Plutôt que la reproduction des tableaux, réduits à l’arrière-plan à l’échelle d’un timbre, c’est le plancher vide qui est mis en scène. Si dans la première composition ( Sans titre , de 1995), l’espace converge vers un mur recouvert de peintures colorées disposées sur plusieurs rangées, les lignes du sol de Sans titre , de 1996, mènent à un unique tableau d’apparence figurative (un personnage dans un paysage aux tons verts). Le dépouillement minimaliste est pourtant perturbé par deux taches de couleur qui maculent la large surface laissée en réserve et parcourue de droites orthogonales à la cimaise du fond, comme si Owens nous incitait à fixer notre regard au bout de ce désert géométrique afin que la peinture sensuelle nous récompense de nos efforts. Cette mise à distance de l’objet convoité, tant théâtrale qu’humoristique, est à rapprocher de certains propos de l’artiste, native de l’Ohio : « J’ai l’impression que mes tableaux sont vraiment typiquement américains et ont beaucoup à voir avec là d’où je viens. Je veux dire qu’il s’agit d’une approche directe, très “Midwest”, brute de décoffrage, et d’un certain sens de l’humour. »

Angela Lampe

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007