Les Pensionnaires
1971 - 1972
Les Pensionnaires
1971 - 1972
Au début des années 1970, proche du courant des « mythologies individuelles», Messager rejoue les bonheurs et les drames de la condition humaine dans un entre-deux déconcertant, oscillant entre fantaisie et folie.
« Cette pièce est née d'un banal incident: en plein été, à Paris, chaussée de nu-pieds, j'ai marché sur un moineau mort. Cette sensation fut étrange, indescriptible, et je me suis dit : ces oiseaux, ils sont proches de nous mais on ne sait rien d'eux, pas plus qu'on ne connaît nos voisins, alors j'ai décidé de les apprivoiser, à ma manière. Il y a autant de méconnaissance entre ces oiseaux familiers et les êtres humains qu'entre un homme et une femme».
Domaine | Oeuvre en 3 dimensions | Installation |
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Technique | Verre, métal, oiseaux empaillés ( moineaux domestiques passer domesticus) , mine de plomb, plumes, papier, laine, photographie, drap de coton, ampoule électrique |
Dimensions | Dimensions variables |
Acquisition | Achat, 1999 |
N° d'inventaire | AM 1999-118 |
Informations détaillées
Artiste |
Annette Messager
(1943, France) |
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Titre principal | Les Pensionnaires |
Date de création | 1971 - 1972 |
Domaine | Oeuvre en 3 dimensions | Installation |
Description | Installation de 14 vitrines, de 3 éléments muraux et d'une ampoule suspendue à un fil : Trois vitrines centrales : -Une grande vitrine (101x150x90cm) présente : "Le Repos des pensionnaires" constituée de 72 oiseaux naturalisés reconstitués, emmaillotés de tricots posés sur un tissu blanc. Cette vitrine est faiblement éclairée par une ampoule suspendue à un fil. -deux vitrines (101x115x30cm) installées de chaque côté de la vitrine centrale renferment d'une part "La Promenade" composée de 9 oiseaux naturalisés emmaillotés de tricot attelés à des mécanismes fragiles montés sur roulettes fonctionnant à piles ou téléguidés et d'autre part "La punition" composée de 9 pensionnaires (oiseaux naturalisés reconstitués) arnachés sur des socles de métal Huit vitrines (101x30x30cm), sur la gauche, face à l'Alphabet de plume : 1) "Dans la baignoire" comprenant un oiseau dans une baignoire miniature 2) "La réserve de laine pour les tricots" composée de fils de laine 3) "La momification" comprenant 3 oiseaux 4) "la cage en balza" 5) "L'oiseau mécanique" comprenant 1 oiseau avec une clef 6) "Le tapis de plumes" 7) "André" comprenant 1 oiseau cloué sur un coussin 8) "La réserve de plumes" Trois vitrines (101x80x80cm) sur la droite, face à "L'Alphabet de plume" : 1) "Trois peintures, Annette Messager artiste/Mes croquis d'oiseaux, Album-collection n°4, Annette Messager collectionneuse" un album de dessins sur "Les Pensionnaires", deux feuillets extraits de l'album avec un dessin de pensionnaire et trois petites peintures (Gilbert puni, Françoise punie, Pierre puni) 2)"Les jouets pour les pensionnaires" (cinq jouets en plume 3) Documents, textes, plan (12 planches) 3 éléments muraux : 1) "L'ombre portée sur le mur" : un oiseau emmailloté transpercé par une pique terminée par une plume, fiché au mur 2) "L'ombre dessinée sur le mur" : un oiseau fiché au mur avec une pique, accompagné du dessin d'une ombre réalisée à même le mur 3) "L'Alphabet de plumes" : composé de caractères réalisés en plumes |
Technique | Verre, métal, oiseaux empaillés ( moineaux domestiques passer domesticus) , mine de plomb, plumes, papier, laine, photographie, drap de coton, ampoule électrique |
Dimensions | Dimensions variables |
Acquisition | Achat, 1999 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Contemporain |
N° d'inventaire | AM 1999-118 |
Analyse
Dans le contexte du début des années 1970, l’œuvre d’Annette Messager développe un univers singulier, féminin et intime. Proche du courant des « mythologies individuelles » qui se développe alors, elle s’en démarque pourtant par le jeu entre vérité et mensonge qui sous-tend son travail, comme par le caractère fantasmatique de son imaginaire. Faussement autobiographique, son œuvre intègre néanmoins l’expérience vécue de l’artiste, déplaçant le territoire de l’art dans l’enceinte de la vie domestique et des pratiques du quotidien. À la façon de Fernando Pessoa, Messager s’invente des hétéronymes, caractérisés par des pratiques artistiques spécifiques liées à autant de traits psychologiques féminins. Elle dissocie ainsi de l’Annette Messager « artiste », la « collectionneuse », puis la « femme pratique », la « truqueuse » et enfin la « colporteuse ». Les Pensionnaires font partie de ses premières œuvres, pour lesquelles les activités de l’artiste et celles de la collectionneuse ont voisiné dans un appartement organisé autour de ces deux fonctions. Ayant trouvé un moineau mort dans la rue, l’artiste tricote pour cette petite « poupée » un trousseau de bébé. D’autres oiseaux viennent constituer un groupe de « pensionnaires » que Messager va « éduquer », et qui servent d’exutoire aux pulsions infantiles et morbides du personnage de « midinette » qu’elle a choisi d’incarner. L’œuvre qui en résulte est constituée des oiseaux emmaillotés, des divers accessoires réalisés pour eux, ainsi que des carnets et croquis qui documentent la vie quotidienne de cette microsociété, rejouant en chambre les bonheurs et les drames de la condition humaine. Parodiant l’autofiction, Messager inscrit son œuvre dans un entre-deux déconcertant, oscillant entre fantaisie et folie.
Catherine Grenier
Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007