Festival / Soirée
Un Nouveau festival / « Khhhhhhh »
Langues imaginaires et inventées
20 févr. - 8 mars 2013
L'événement est terminé
Les quelques trois mille langues inventées généralement recensées par les linguistes ont de quoi impressionner. Richesse poétique autant que graphique ou sonore, ces nouveaux langages traduisent l'insatisfaction permanente de l'esprit humain en matière de communication et de création. En six séquences thématiques, le passé et le présent s'entremêlent pour proposer l'esquisse d'un laboratoire des langues imaginaires et inventées qui parsèment la création contemporaine.
Une proposition de Bernard Blistène, Mica Gherghescu, Jean -Charles Hameau et Mélanie Lerat
Exposition, conférences, performances, rencontres
Les quelque trois mille langues inventées généralement recensées par les linguistes ont de quoi impressionner. Richesse littéraire autant que graphique ou sonore, ces nouveaux langages traduisent l’insatisfaction permanente de l’esprit humain en matière de communication et son incapacité à garder très longtemps sa langue dans sa poche. L’idée de créer une langue nouvelle n’est pas propre à notre époque et la généalogie exhaustive de cette passion se révèle abyssale. Pourtant la présence pléthorique de telles entreprises dans la création contemporaine invite à s’interroger sur les modalités de leur existence autant que sur les objectifs qui motivent leur mise au point. Un laboratoire vivant s’établit dans la galerie sud pour la quatrième édition d’un Nouveau festival qui joue les Babel et donne la parole aux inventeurs d’une langue entendue au sens large.
La langue peut être dictée par des puissances cosmiques, celles qui guident le crayon de la singulière médium Hélène Smith à l’aube du XXe siècle et lui inspire des écritures martiennes. L’écho de ce fantasme spirite se fait ressentir aujourd’hui dans le travail des artistes Berdaguer et Péjus qui se réapproprient ces paroles martiennes, en démêlent les fils pour mieux les déployer dans l’espace. De son côté, Jean-Pierre Brisset auquel le Nouveau festival rend hommage, invente une théorie délirante autour de la langue des grenouilles : « Koa Koa » pourrait bien sonner comme la preuve irréfutable que la langue humaine sort tout droit d’un marais !
Argotiques ou brutes, les langues inventées prennent souvent des accents primitifs sous la plume d’un Jean Dubuffet ou d’un André Martel. La revue Bizarre d’Éric Losfeld et de Michel Laclos en offre elle aussi des exemples saisissants. De même, les hurlements du Marsupilami ne marquent-t-ils pas l’existence d’une langue primitive dans la bande dessinée ? Inventer une langue permet de créer une distance chronologique ou géographique avec le domaine du compréhensible, et offre à l’artiste ou l’écrivain un outil puissant d’altérité. Les poèmes elfiques de J. R. R. Tolkien portent jusque dans leurs lettrages imaginaires, la marque d’une langue ancestrale et magique.
La glossolalie relève quant à elle de l’inspiration divine. Elle s’apparente à une révélation spirituelle chez Hildegrarde de Bingen, dont la foi ne trouve d’expression qu’au travers de sa lingua ignota, ou bien à un verbiage incantatoire chez Antonin Artaud : « Poupou Rabou » !
Les avant-gardes comme les acteurs de la scène contemporaine se rencontrent autour du phonétisme de la langue, de sa musicalité hypertrophiée chez les futuristes et chez Dada, par la liberté de ses syllabes autonomes chez les lettristes. L’artiste Jan Kopp conjugue au présent cette expérience sonore et physique de la langue imaginaire dans Sanectamok, un projet expérimental mêlant les mouvements du corps à l’invention verbale.
A l’heure où le développement exponentiel des médias et des technologies de communication semblent imposer une révision globale des systèmes de langage, la question d’une langue informatique se pose avec une actualité brûlante. Si des graphistes tels Otto Neurath ou Otto Nebel font figures de précurseurs dans leur recherche d’une langue pictogrammatique, leurs recherches refont surface dans les installations de Xu Bing, créateur d’un programme interactif de communication dans une langue qui substitue aux mots et aux lettres des logotypes. Chez Joyce et Queneau, la combinatoire sous-tend l’invention du texte.
Les langues imaginaires sont pour nombre d’entre elles porteuses d’un idéal universaliste. Les tentatives historiques de l’Esperanto et du Volapük, croisent ici le Zaoum d’Iliazd et de Khlebnikov à la recherche de « la voie vers le langage transmental universel. ». Traverser les frontières, voilà le maître mot de Slavs and Tatars, un duo d’artistes polyglottes qui invite à faire voyager les syllabes imprononçables pour retrouver « la voix grave, gutturale des temps et climats plus voluptueux. »
Le Nouveau festival cherche à faire vaciller les habitudes de l’oreille et l’œil, par l’exploration de dialectes étranges et à souligner la richesse de ces territoires de création et d’expérimentation. L’énigme qui se trouve au cœur des langues inventées est aussi bien pratique, un code à déchiffrer, que fondamentale et existentielle : « taH pagh taHbe ! » s’exclame le Hamlet de la planète Star Trek.
Quand
tous les jours sauf mardis