Festival / Soirée
Frédéric Nef
Langue universelle leibnizienne : des languages imaginaires aux langues formelles
27 févr. 2013
L'événement est terminé
Le socle de la réflexion sur le langage à la Renaissance et encore largement à l'âge classique est biblique et théologique. Il s'agit d'un récit, celui d'Adam avant la chute jouissant d'une langue parfaite, nommant chaque chose d'après son essence et celui des hommes dispersés par la Chute, bénéficiant d'une langue unique à la surface de la terre et le perdant par la démesure téméraire de l'érection de la Tour de Babel.
Langue universelle leibnizienne : des langages imaginaires aux langues formelles.
Le socle de la réflexion sur le langage à la Renaissance et encore largement à l’âge classique est biblique et théologique. Il s’agit d’un récit, celui d’Adam avant la chute jouissant d’une langue parfaite, nommant chaque chose d’après son essence et celui des hommes dispersés par la Chute, bénéficiant d’une langue unique à la surface de la terre et le perdant par la démesure téméraire de l’érection de la Tour de Babel. La pensée du langage sera tendue entre ces deux pôles : l’idée d’une langue parfaite et la catastrophe de la dispersion des langues. Il est connu que Leibniz est l’auteur d’un nombre considérable de fragments sur un projet de langue universelle, mais il est moins connu qu’il a écrit également un grand nombre de textes sur la migration, l’origine et l’enchevêtrement des langues et qu’il est par là un précurseur de la grammaire comparée, par exemple en découvrant la parenté entre le finnois et le magyar – sa pensée du langage et des langues est elle aussi tendue entre ces deux pôles. Le thème de la langue adamique a été une double source de réflexion pour les langues universelles de l’âge classique : d’une part la recherche théologique sur les caractéristiques de la langue des anges a été guidée en partie par l’idéal adamique – les anges aussi nomment d’après l’essence – et d’autre part la langue adamique permet par contraste de penser la conventionalité et l’opacité du langage vernaculaire et donc de déterminer avec précision l’ampleur et la nature de la tâche de reconstruction d’une langue non conventionnelle, selon ici la paradigme du Cratyle. A l’âge classique un Jacob Böhme estimera possible de ressusciter la langue adamique par la théosophie exégétique des textes révélés et la contemplation des choses naturelles (cf. la Signatura Rerum). Leibniz estime impossible la résurrection de la langue adamique, car l’état supralapsaire n’est pas récupérable : la Chute a faussé le mécanisme cognitif qui permettait l’usage d’une telle langue. Mais s’il se sépare de la mystique théosophique de l’adamisme radical, il n’en cherche pas moins dans sa recherche de la langue universelle les traces de cette langue perdue, qui continuerait à régler la rationalité malgré et à travers la dispersion des langues. Le projet leibnizien de langue universelle, et c’est plus connu, vise à rétablir une unité antérieure à Babel : permettre aux savants et aux philosophes de communiquer par une langue de signes arbitraires représentant parfaitement les concepts primitifs. En ce sens la lingua universalis est une anticipation de l’écriture conceptuelle (Begriffschrift) de Frege.
Une conférence de Frédéric Nef, philosophe, directeur d’études à l’Ehess.
Renseignement :
Hannah Jablonski, 01 44 78 43 68, hannah.jablonski@centrepompidou.fr
Pour rester informé : paroleaucentre@centrepompidou.fr
Quand
À partir de 19h