La galerie, l'antichambre du musée
Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979), le promoteur du mouvement cubiste, déclarait : « L’État ne peut pas avoir de goût ». Il estimait a contrario que le désintéressement du musée était plutôt un indice de qualité pour la « vraie » peinture, avant-gardiste et indépendante. De l’autre côté, les diverses commissions d’acquisitions d’œuvres d’art cherchaient à acheter directement aux artistes dans l’atelier, afin d’éviter les marchands, accusés de faire gonfler les prix.
Pourtant le marché et le musée sont, historiquement, extrêmement proches : ils ne sauraient même être pensés l’un sans l’autre. Pour les marchands d’art, la consécration des artistes qu’ils défendent reste associée, quel que soit le discours tenu par ailleurs, à l’entrée de leurs œuvres dans les plus grandes collections, privées et publiques. Pour les conservateurs et directeurs de musée, la recherche d’œuvres récentes jugées dignes de rejoindre les cimaises du musée est facilitée par l’activité des galeries, qui prospectent et exposent. De fait, les acquisitions réalisées après une exposition en galerie sont de plus en plus nombreuses au cours du 20e siècle : aussi l’identification de la provenance des œuvres d’art, qui intéresse aujourd’hui de plus en plus les chercheurs comme le grand public, met-elle également en lumière la perméabilité des deux sphères, marchande et muséale.
Les galeries sont au cœur des circulations artistiques, de l’atelier de l’artiste aux salons des collectionneurs et aux cimaises des musées.
Les galeries d’art ont joué un rôle croissant dans l’histoire de la création plastique au 20e siècle. Du point de vue des artistes, l’intervention des marchands d’art est devenue décisive, pour être reconnue comme un créateur d’abord, pour accroître la notoriété de ses œuvres ensuite et enfin pour espérer prétendre à une consécration par les institutions artistiques nationales et internationales. Nombreux sont les documents qui attestent concrètement de tout l’éventail des moyens à la disposition des marchands, pour aider à l’établissement de la valeur esthétique : campagnes de publicité, publication de plaquettes ou de catalogues, ou encore organisation d’expositions itinérantes.
Lieux d’exposition des œuvres d’art, lieux de rencontre entre artistes et amateurs, lieux de transactions économiques et de reconnaissance symbolique, les galeries sont bien au cœur des circulations artistiques, de l’atelier de l’artiste aux salons des collectionneurs et aux cimaises des musées. Leurs directeurs et directrices exercent un métier aux multiples facettes : impresarios des créateurs, animateurs d’un lieu culturel, médiateurs à l’égard du public, chacun imprégnant de sa personnalité et de son goût son action en faveur de l’art vivant. ◼
Pour l'occasion, les Cahiers du Musée national d'art moderne publient un hors-série qui réunit tous les galeristes auxquels ces dossiers ont rendu hommage sur deux années. Apparaissant dans l'ordre chronologique de l'ouverture de leur galerie, chacun d'eux bénéficie d'une notice historique accompagnée d'une sélection d'œuvres du Centre Pompidou passées entre leurs mains.
À lire aussi
Dans l'agenda
Auguste Herbin, Vendredi 1, 1951, huile sur toile, 96 × 129 cm (détail)
© Centre Pompidou / photo : Ph. Migeat / Dist. Rmn-Gp
A figuré dans l’exposition « Herbin : alphabet plastique », Paris, Galerie Denise René, à partir du 7 novembre 1972.
Coordinateur
Christian Briend
Commissaires
Cristina Agostinelli, Bénédicte Ajac, Christian Briend, Ariane Coulondre, Angela Lampe, Aurélie Verdier