Focus sur... « Forest Companions » de Takashi Murakami
Takashi Murakami rêvait, enfant, de faire du dessin animé. Parvenu à l’adolescence, il s’inscrivit en définitive à l’Université des arts de Tokyo, dans le département de peinture, spécialité nihonga, autrement dit « peinture japonaise », terme apparu pendant l’ère Meiji (1862-1912), celle de l’ouverture du Japon vers l’Occident et ses productions culturelles, et qui qualifie avant tout des œuvres intégrant, par un renversement de ce que l’on nomma au même moment en Europe le « japonisme », divers éléments occidentaux au sein des formes et des pratiques traditionnelles de l’art japonais.
Takashi Murakami rêvait, enfant, de faire du dessin animé. Parvenu à l’adolescence, il s’inscrivit en définitive à l’Université des arts de Tokyo, dans le département de peinture, spécialité nihonga, autrement dit « peinture japonaise », terme apparu pendant l’ère Meiji
On sait par Amaury-Duval, dans son livre L’Atelier d’Ingres (1878), que le peintre de La Grande Odalisque avait manifesté très tôt son admiration pour les images en provenance du Japon, et le critique Théophile Silvestre, voulant faire sentir, dans son Histoire des artistes vivants français et étrangers, le génie composite du même, n’avait pas hésité à le décrire comme « un peintre chinois égaré en plein 19e siècle dans les ruines d’Athènes ». Une conjonction de cet ordre, mais pour ainsi dire en miroir et traversée par les effets de la reproduction mécanique et de la société de consommation, sous-tend l’entreprise de Murakami.
Ses Forest Companions, mini-pandas jouant avec des bambous au-dessus desquels trône, assis sur un globe de crânes, un avatar multicolore et halluciné de DOB, sorte de Mickey plus ou moins monstrueux dont l’artiste a fait son alter ego, démontrent à grande échelle toute la virtuosité, l’ironie et le raffinement dont il fait régulièrement preuve. S’y retrouvent, mêlés à un fond de psychédélisme hollywoodien, les traits traditionnellement distinctifs de l’art japonais, tels que synthétisés par Tsuji Nobuo dans son History of Art in Japan (2005 pour l’original japonais, 2019 pour la traduction anglaise) : le goût de l’ornementation (kazari) ; le sens du jeu, du détournement ludique (asobi), toujours présent, ne serait-ce qu’en arrière-plan ; enfin le tropisme animiste, selon quoi chaque chose est vue comme la demeure d’un esprit sacré.
Ses Forest Companions, mini-pandas jouant avec des bambous au-dessus desquels trône, assis sur un globe de crânes, un avatar multicolore et halluciné de DOB, sorte de Mickey plus ou moins monstrueux dont l’artiste a fait son alter ego, démontrent à grande échelle toute la virtuosité, l’ironie et le raffinement dont il fait régulièrement preuve.
Rire, avoir peur, se délecter, tout cela simultanément et indissolublement tressé en un faisceau d’affects jamais détachés de l’enfance : voilà à partir de quoi opère Murakami. C’est sa version du bijutsu, vocable forgé lui aussi durant l’ère Meiji comme un équivalent de nos « beaux-arts » et dans lequel une oreille française ne peut manquer d’entendre le mot « bijou », nimbé de son aura précieuse et artisanale. ◼