Intérieur jaune et bleu
[1946]
Intérieur jaune et bleu
[1946]
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 116 x 81 x 2,5 cm |
Acquisition | Achat de l'Etat, 1947 |
N° d'inventaire | AM 4507 P |
Informations détaillées
Artiste |
Henri Matisse
(1869, France - 1954, France) |
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Titre principal | Intérieur jaune et bleu |
Date de création | [1946] |
Lieu de réalisation | Vence |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 116 x 81 x 2,5 cm |
Inscriptions | S.B.DR. : MATISSE |
Acquisition | Achat de l'Etat, 1947 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 4507 P |
Analyse
En 1943, à la suite d'un raid aérien sur Nice, Matisse s'installe dans l'arrière- pays, sur la colline de Vence, dans la villa Le Rêve. Après la « floraison » en dessins des années 1941-1942, après les années difficiles de la guerre, principalement consacrées aux livres et à Jazz, vient le temps d'une floraison en peinture; c'est à partir de 1946, et jusqu'en 1948, la saison des Intérieurs de Vence : « Je suis engagé dans la couleur définitivement car les dessins ne m'intéressent plus. J'ai éclairci ma cervelle de ce côté, ça suffit. J'ai plusieurs toiles en train. J'éprouve les curiosités que donne un pays nouveau, car je n'ai jamais été aussi clairement en avant dans l'expression des couleurs. Jusqu'ici, j'ai piétiné à la porte du temple. »1
Intérieur jaune et bleu de 1946 inaugure sans doute (avec la version du même motif en rouge de Venise, conservée au Musée Royal des Beaux-Arts de Bruxelles) cette série brillante rassemblée par Tériade dans un numéro de Verve en 1948. On y retrouve le désordre familier et voluptueux des objets, des fruits et des bouquets posés sur le guéridon de marbre , et aussi le « fauteuil rocaille », entré en 1942 dans l'univers de Matisse: « J'ai enfin trouvé l'objet désiré depuis un an. C'est une chaise en baroque vénitien en argent teinté au vernis. Comme un émail. Vous avez déjà probablement rencontré un objet pareil. Quand je l'ai rencontré chez un antiquaire, il y a quelques semaines, j'ai été complètement retourné. Il est splendide, j'en suis habité. C'est avec lui que je vais bondir lentement à ma rentrée d'été. »2. C'est d'ailleurs la même année 1946 que Matisse peint un « portrait » du fauteuil3 quatre ans après la rencontre.
Par rapport aux œuvres qui vont suivre, Intérieur jaune et bleu apparaît comme moins lyriquement coloré, moins abandonné aux puissances de la couleur. Les lignes noires du dessin sont surimposées à un champ rigoureusement partagé en zones définies, le fond jaune ocre, les deux rectangles bleus affrontés, une note verte. Mais l'important, une fois de plus, est que Matisse est en train d'inventer ici une nouvelle sorte d'espace dans la couleur, explorée dans toutes ses conséquences au moyen de la série systématiquement entreprise des Intérieurs peints à Vence, reprenant les mêmes objets, dans des tons et des harmonies différents4 ; espace que tente de définir Matisse dans une importante lettre à André Rouveyre, du 3 juin 19475 «... Je suis engagé dans une route bien pénible qui me semble démesurée à cause du peu de temps que mon âge m'accordera. Et pourtant, pour être d'accord avec moi même, je ne puis faire autrement. Avec la sorte de rapport de couleur que je suis porté à employer pour rendre ce que je sens, dégagé de l'accidentel, je me trouve à représenter les objets dépourvus de lignes fuyantes. Je veux dire vus de face, presque les uns près des autres, rattachés entre eux par mon sentiment, dans une atmosphère créée par les rapports magiques de la couleur. Pourquoi pas, pour être logique, n'employer que des tons locaux, sans reflets. Personnages sur le même plan comme un jeu de massacre, sur ces éléments de représentaton simplifiée mettre une couleur venue du ton local sublimé, ou même inventé entièrement d'après mon sentiment chauffé par la présence de la nature même — genre de poème. »
Isabelle Monod-Fontaine
Notes :
1. Lettre du 15 mai 1947 à André Rouveyre, citée inHenri Matisse. Exposition du centenaire, Paris, Grand Palais, avril-septembre 1970, p. 46.
2. Lettre du 20 avril 1942 à Aragon, citée in Louis Aragon, Henri Matisse. Roman, Paris, Gallimard (vol. 1),1971 , p. 211.
3. Le Fauteuil rocaille, 1946 (huile sur toile, 92 X 73 cm, Musée Matisse, Nice).
4. Cf. par exemple, Nature morte aux grenades, fond rouge de Venise (1947) et Nature morte aux grenades, fond noir (1947) ou La Branche de prunier, fond vert (1948) et La Branche de prunier, fond ocre (1948).
5. Citée in Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art, édition établie par Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, p. 194.
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989