Intérieur
juillet 1922 - printemps 1923
Intérieur
juillet 1922 - printemps 1923
Intérieur est une œuvre charnière de Joan Miró. Si elle conserve quelques traces de sa période « détailliste », elle témoigne déjà d’un travail de simplification, tant des motifs que du traitement pictural. L’espace intérieur et la fermière subissent d’étranges métamorphoses, – grossissement et déformation, schématisation géométrisante ou surenchère expressive –, qui soulignent l’intérêt de Miró pour la représentation de ce dont il rêve plus que de ce qu’il voit. L’onirisme « magique » de Miró est annoncé ici par cette association des forces telluriques et terriennes (en témoigne la présence monumentale de la paysanne) à un langage mental constitué de signes universels et archétypaux.
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 81 x 65,5 cm |
Acquisition | Dation, 1997 |
N° d'inventaire | AM 1997-99 |
Informations détaillées
Artiste |
Joan Miró
(1893, Espagne - 1983, Espagne) |
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Titre principal | Intérieur |
Titre attribué | La fermière |
Date de création | juillet 1922 - printemps 1923 |
Lieu de réalisation | Réalisée à Montroig et Paris |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 81 x 65,5 cm |
Inscriptions | S.D.B.G. : Miró./1922-23. |
Acquisition | Dation, 1997 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 1997-99 |
Analyse
Commencée dans la ferme catalane de Montroig, devant le motif, l’été 1922, et terminée de mémoire dans l’atelier de la rue Blomet à Paris, au printemps suivant, Intérieur (cat. rais. I, n o 87) manifeste, quelques mois après l’élaboration de La Ferme (Washington, National Gallery of Art), où le sens du détail accumulatif et précisionniste était poussé à l’excès, un véritable travail d’ascèse chez le jeune peintre, récemment installé à Paris. Dans cette œuvre charnière, et dans les trois natures mortes, qui obéissent au même souci de rigueur constructive ( La Lampe de carbure et L’Épi de blé , New York, MoMA ; Nature morte au grill , coll. part.), se clôture sa période « réaliste », à la calligraphie presque décorative, et s’annonce son futur vocabulaire plastique de signes métaphoriques, tel qu’il réussit à le déployer dans les grandes toiles de l’été 1923 : Terre labourée (New York, Guggenheim), Le Chasseur (New York, MoMA) et Carnaval d’Arlequin (Buffalo, Albright-Knox Art Gallery).
Maintenant isolés, et comme épinglés sur la surface picturale, les quelques figures et objets retenus de la ferme catalane et de l’atelier parisien – les deux lieux fusionnent en une véritable alchimie mentale – subissent d’étranges métamorphoses : grossissement et déformation (pieds de la fermière), stylisation miniaturiste (fourrure, yeux du chat), surenchère expressive (plis presque baroques de la robe) ou, à l’inverse, schématisation géométrisante, quasi abstraite (cône du poêle, triangle du torchon, cercle de l’assiette). Découpés avec vigueur dans une stricte frontalité – avec déjà cet effet de collage qui marquera le rapport figure/fond spécifique de toute l’œuvre de Miró –, ces éléments constellent un espace non perspectif, presque évidé, qui est défini pour la première fois par de grands aplats monochromes traversés d’épais tracés rectilignes. Tout est construit, dit Miró, « au millimètre près », pour amplifier la force plastique et expressive de chaque élément, exaltée par des couleurs elles aussi austères – noir, blanc, brun –, troublées par des jaunes et des bleus stridents.
Vie quasiment sacrée, presque irréelle, de cette scène paysanne : la fermière pourtant bien ancrée au sol possède la présence monumentale, hiératique, d’une madone – celle des austères bodegones mystiques de la tradition espagnole –, comme la force inquiétante d’une matrone se livrant à l’égorgement d’un lapin, et dont la robe boursouflée révèle une sensualité menaçante. Toute la poétique « magique » de Miró s’annonce ici dans son ambiguïté, balancée entre l’expression des forces telluriques, terriennes et charnelles, qui vont nourrir son imaginaire, et l’articulation d’un langage mental de signes universels et archétypaux.
Le tableau qui sera présenté pour la première lors de l’exposition « Joan Miró », galerie Pierre, en juin 1925, sera acquis en 1929 par René Gaffé, avant de passer dans la collection de Pierre Matisse après 1948.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007