L'Addition
août 1925 - septembre 1925
L'Addition
août 1925 - septembre 1925
« Je restais assis de longs moments à regarder les murs nus de mon atelier, essayant de capter ces formes sur du papier ou sur de la toile de jute.» (Miró)
L 'Addition compte parmi les « peintures de rêve » réalisées par Joan Miró durant l'été 1925 dans la propriété familiale de Mont-roig (Espagne). Sur un fond davantage sali que peint, flottent des formes biomorphiques évoquant les marionnettes du théâtre d'Alfred Jarry qui fascinent le peintre. Les lignes souples et les chiffres qui se rencontrent sur cette surface fluctuante ajoutent au sentiment poétique de ce paysage, à la fois dicté par l'inconscient et minutieusement élaboré.
Domaine | Peinture |
---|---|
Technique | Huile sur toile encollée |
Dimensions | 195 x 129,2 cm |
Acquisition | Achat, 1983 |
N° d'inventaire | AM 1983-92 |
Informations détaillées
Artiste |
Joan Miró
(1893, Espagne - 1983, Espagne) |
---|---|
Titre principal | L'Addition |
Date de création | août 1925 - septembre 1925 |
Lieu de réalisation | Peinte à Montroig |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile encollée |
Dimensions | 195 x 129,2 cm |
Inscriptions | S.D.B.DR. : Miró. / 1925. |
Acquisition | Achat, 1983 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 1983-92 |
Analyse
Tour à tour, le bleu de l’eau et de l’air, le brun de la terre et du feu : la très abondante production des « peintures de rêve » de l’été 1925, à Montroig, a été peinte en état de grande hallucination, qui relève d’un acte de fusion charnelle, vibrante, quasi sexuelle, avec la nature. « Répulsives et incompréhensibles comme des fœtus », comme il l’annonçait, déjà en 1924, celles de la série brune, qui ressemblent à des bâches murales maculées d’empreintes naturelles – Miró aimait « regarder les murs nus de [son] atelier, essayant de capter ces formes sur du papier ou sur de la toile de jute » – ne restituent pas l’image apparue en rêve (propos surréaliste), mais offrent la matière et l’espace mêmes du rêve : un espace incertain, fluctuant, dont les remous et les taches charrient des résidus d’images ou de figures ; une matière mate, qui constitue non plus seulement le « fond » de la peinture, mais son sujet et son histoire. Les taches informes y font en effet motif, donnent naissance à des lignes ou des points hasardeux ; quant aux figures projetées sur cette sorte d’écran (des têtes de mascarades en forme de haricots, familières à Miró, et qui renvoient peut-être aux marionnettes ubuesques d’Alfred Jarry, ou au profil du paysan catalan maintes fois évoqué par Miró, ou encore à la palette du peintre), ou aux chiffres de l’« addition », déroulés comme dans un calligramme poétique, ils flottent à leur tour de manière erratique et ont perdu la précision horlogère qui réglait La Sieste : Miró se livre à l’expérience excédante du hasard, tout en obéissant à une logique d’élaboration concertée (les deux dessins préparatoires FJM 720 et 721 en montrent le processus hallucinatoire, d’un feuillet à l’autre).
Les surréalistes autour de Breton ont été déconcertés par le parti plastique, totalement inédit, de ces toiles étrangement vides et ingrates, gardant leurs faveurs aux peintures burlesques et métaphoriques précédentes. Michel Leiris, le premier, sut voir la beauté « primitive » de ces toiles d’aspect boueux ou brûlé : sans doute pensait-il à L’Addition (cat. rais. I, n o 168) et aux deux immenses peintures qui sont avec elle les plus accomplies de la série ( La Naissance du monde , 1925, New York, MoMA, et Le Gendarme , Chicago, The Art Institute), lorsqu’il évoque, en 1929, dans Documents , « ces immenses toiles qui avaient l’air moins peintes que salies, troubles comme des bâtiments détruits, aguichantes comme des murs délavés, sur lesquels des générations de colleurs d’affiches, alliées à des siècles de bruine, ont inscrit de mystérieux poèmes, longues taches aux configurations louches, incertaines comme des alluvions venues on ne sait d’où, sables charriés par des fleuves au cours perpétuellement changeant, assujettis qu’ils sont au mouvement du vent et de la pluie » (M. Leiris, « Joan Miró », Documents , I, n o 5, octobre 1929, p. 264).
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007