Vase et feuillage

Ce dessin pourrait être une étude de détail du motif central de Nature morte au magnolia (1941). Le sujet en est ancien dans l'œuvre de Matisse, particulièrement dans les toiles des deux décennies antérieures où les arrangements de fleurs accompagnent ou éclipsent les odalisques. L'artiste a pu confier à André Masson la nature de cet effleurement thématique : « Je mets un bouquet sur la table, je voudrais que, le tableau une fois terminé, un jardinier puisse y reconnaître toutes les variétés de fleurs : mais je ne sais pas ce qui se passe en route, çà devient des jeunes filles qui dansent...»1 Dans le cas de ce dessin, la forme du vase et du feuillage évoque un monotype de 1938 intitulé Corbeille de bégonias dans lequel il est probable que le vase de fleurs de Nature morte au magnolia trouve l'une de ses racines graphiques. Louis Aragon utilisait le terme de « palette d'objets » pour désigner ces modèles familiers — soupières, tissus, sièges, plats et carafes — qui traversent l'œuvre de Matisse. On peut tenter de reconnaître ici une version mixte croisant un vase à anse double et une aiguière torse souvent représentés dans les toiles de l'artiste2.

Le dessin pourrait également renvoyer aux recherches entreprises pour l'illustration du Florilège des amours de Ronsard. Ce projet date en effet d'octobre 1941 et les premières esquisses en furent exécutées dès janvier 1942. Les maquettes de l'ouvrage montrent que Matisse travailla longuement à l'iconographie florale des poèmes dédiés à Marie. De nombreuses versions d'un bouquet de fleurs ou de feuillage portant l'inscription « Pour Marie » ou « J'aime Marie » côtoient des visages de jeunes filles et des plantes décoratives répétant un motif de corolles à quatre pétales3. Or, la feuille du MNAM porte à son verso un iris qui pourrait être une étude préparatoire à de telles planches. Le principe de cette transformation utilise un procédé « presque automatique » allant du dessin d'après nature au signe. Il révèle le référent à la fois stellaire et floral utilisé par Matisse et la relation « hallucinatoire » qu'il entretient à son objet durant l'élaboration graphique.

Anne Baldessari

Notes :

1. Entretien avec Georges Charbonnier, 1958

2. Cf. pl. 172 et 182 du Florilège des amours de Ronsard (Claude Duthuit, Henri Matisse - catalogue raisonné des ouvrages illustrés, Paris, édité par l'auteur (avec la collaboration de Françoise Garnaud, préface de Jean Guichard-Meili, 1987), n° 25).

3. Cf. également Le Bouquet, 25 juin 1944 (encre de Chine sur papier Arches ; repr. inMatisse - 33 dessins de 1905 à 1950, Paris, galerie Dina Vierny, 9 juin-20 juillet, p. 31).

Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989