Le bain
[1905 - 1906]
Le bain
[1905 - 1906]
Domaine | Dessin |
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Technique | Encre de Chine sur papier |
Dimensions | 26,9 x 41,8 cm |
Acquisition | Don de Mme Marie Matisse, 1984 |
N° d'inventaire | AM 1984-71 |
Informations détaillées
Artiste |
Henri Matisse
(1869, France - 1954, France) |
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Titre principal | Le bain |
Date de création | [1905 - 1906] |
Domaine | Dessin |
Technique | Encre de Chine sur papier |
Dimensions | 26,9 x 41,8 cm |
Acquisition | Don de Mme Marie Matisse, 1984 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1984-71 |
Analyse
Le dessin du MNAM appelé Le Bain peut être rapproché d'une autre feuille, La Toilette, traitant de la même scène sur un mode plus réaliste. Le thème est à rattacher aux œuvres intimistes de Degas ou Toulouse-Lautrec et, à travers elles, à la tradition de l'école Ukiyo-e qui figure les attitudes familières des geishas1. Ce japonisme est accusé dans Le Bain par la mise en page et la facture. L'exécution au roseau allie à un trait épais, fortement chargé en encre, un dessin sommaire, presque gauche. L'habileté de l'artiste, contrecarrée par la résistance de l'outil, est réduite à une élémentarisation du tracé, discipline qui fournit à Matisse un équivalent dans le registre graphique de son expérience des gravures sur bois.
Le Bain comme La Toilette représentent le modèle nu — de dos dans le tub ou de profil sur une chaise — et une autre femme, vêtue d'une large blouse, l'essuyant2. Ces dessins matérialisent la « difficulté » rencontrée par Matisse dans le traitement du rapport physique et spatial entre les personnages. On observe dans La Toilette une surcharge graphique aux points de contact entre les deux femmes. Dans la feuille du MNAM, Matisse est allé jusqu'à corriger son tracé initial, en rapportant une pièce de papier qui masque le point de rencontre entre le pied du modèle et la blouse de son aide. Préoccupation nouvelle chez l'artiste, ce travail sur « l'articulation » des corps est d'ailleurs au centre du Bonheur de vivre, grande toile contemporaine de ces dessins. En 1904, le tableau Luxe, calme et volupté comprenait déjà plusieurs figures mais les baigneuses, traitées séparément, déclinaient de manière presque cinématographique les attitudes d'un sujet passant de la position couchée à la station debout. Le Bonheur de vivre, au contraire, combine des figures isolées avec des groupes de deux, de quatre ou de six personnages. Ce dernier motif, une ronde, insiste sur la liaison musculaire des bras tendus pour former une arabesque synthétique, tandis que le couple du premier plan, fusion graphique des deux corps, paraît constituer un aboutissement de la recherche engagée dans les deux dessins.
Dans Le Bain, le recours à la correction par découpage et collage pose plusieurs questions d'ordre méthodologique et théorique. D'ordinaire, la correction est un des moyens, au même titre que le gommage, l'ajout, la mise au carreau, le carton, de la pratique du dessin académique et implique une hiérarchie des arts reléguant le dessin au rang d'étude préparatoire : la manipulation technique doit faire place à un métier « transparent » visant à l'idéalisation du sujet comme du « faire ». On peut avancer l'hypothèse que le réemploi d'un tel procédé, paradoxal en pleine période fauve, constitue pour Matisse un détournement à des fins d'expérimentation plastique de méthodes usuellement instrumentales. Ainsi l'utilisation des gabarits de papier dans les recherches pour La Danse de 1930-1933, et l'accession du papier découpé au statut d'œuvre majeure avec les grandes gouaches des années cinquante, accompliront cette inversion poïetique où l'instrument — la techné — se métamorphosera en objet de l'art.
Anne Baldessari
Notes :
1. En 1891 fut présentée à l'École des Beaux-Arts de Paris une exposition réunissant plusieurs centaines de bois gravés japonais Ukiyo.e qui contribua à la diffusion des thèmes traités par cette École.
2. Pierre Schneider, dans sa préface au catalogue Matisse et l'Italie (1987), insiste sur l'importance du modèle italien Rosa Arpino dans les oeuvres des années 1905 et 1906. Il semble que celle-ci ait posé pour toutes les figures représentées dans Le Bonheur de vivre, et pour de nombreuses études à partir desquelles Matisse tira les gravures sur bois analysées plus haut. Pierre Schneider émet également l'hypothèse que la jeune femme accompagnant Rosa Arpino dans le dessin Le Bain serait la fille de Matisse, Marguerite.
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989
Bibliographie
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Matisse painter as sculptor : Dallas, Dallas Museum of Art, 2007 // San Francisco, San Francisco Museum of Art, 2007 // Baltimore, The Baltimore Museum of Art, 2007-2008 (cit. p. 277, reprod. p. 253) . N° isbn 978-0-300-11541-3
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Matisse : Life and Spirit. Masterpieces from the Centre Pompidou, Paris : Sydney, Art Gallery of New South Wales, 20 novembre 2021- 13 mars 2022. - Sydney : Art Gallery of New South Wales, Paris : Centre Pompidou, 2021 (sous la dir. d''Aurélie Verdier, Justin Paton et Jackie Dunn) (cat. n° 20 reprod. coul. p. 88) . N° isbn 9781741741537
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