Sans titre

La boîte, sous différents avatars, aura été l’une des formes les plus régulièrement visitées par Donald Judd. C’est que, d’une part, elle a davantage l’apparence d’un objet utilitaire que d’une sculpture et incarne à ce titre magnifiquement « l’objet spécifique » promu par le minimalisme et que, d’autre part, elle pose la question du dedans et du dehors, cruciale pour une esthétique littéraliste soucieuse de ne rien laisser dans l’ombre. Cette pièce de 1978 apporte à ladite question une réponse très étonnante. Les bords extérieurs de la structure en laiton doré et poli offrent des surfaces réflexives où l’espace environnant vient se refléter. L’intérieur de la boîte offre un contraste saisissant, car son fond en Plexiglas vert détermine une pénombre qui rend difficile l’acte perceptif. Ainsi, à la clarté, à la netteté du laiton s’oppose l’obscurité, l’indécision des profondeurs vertes ; à la force centrifuge des parois externes du cube qui tend à relativiser la frontière entre l’œuvre et le lieu où elle prend place s’oppose la force centripète du véritable puits qui semble absorber l’espace et la lumière. Pareille pièce, somptueuse dans la tension qui la structure, montre que l’exploitation des possibilités offertes par les matériaux et les formes utilisés par Judd l’ont conduit à des résultats que l’extrémisme de ses écrits aurait réprouvés.

Michel Gauthier

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007