Un Nouveau festival

Par Bernard Blistène,

directeur du Musée national d’art moderne, directeur artistique du Nouveau festival du Centre Pompidou (département du développement culturel)

Un rendez-vous de la pluridisciplinarité et des expériences inédites, un laboratoire des nouvelles formes de la création contemporaine au gré de propositions d’artistes et de créateurs.

Et s’il existait de nouveau aujourd’hui un « art de l’oubli » comme, en des temps éloignés, il y en eut un, consubstantiel aux « arts de la mémoire » ? Et si l’art de notre temps, dans ses formes les plus diverses, y voyait après le philosophe Friedrich Nietzsche « un principe de création » ? Le Centre Pompidou présente la 5e édition de son Nouveau festival : un rendez- vous de la pluridisciplinarité et des expériences inédites, un laboratoire des nouvelles formes de la création contemporaine au gré de propositions d’artistes et de créateurs venus de multiples horizons. Une 5e édition qui prend le risque de l’oubli et de la réminiscence !

En Galerie sud, l’espace de l’exposition précédemment consacrée à l’œuvre de Pierre Huyghe est réutilisé : une manière de s’infiltrer dans le labyrinthe conçu par l’artiste et de prendre la mémoire en défaut. Dans cet espace, le chorégraphe Xavier Le Roy est invité à venir exposer la danse avec « Rétrospective » : pendant les trois semaines du Nouveau festival, les interprètes tentent de se souvenir et d’exécuter, face au public, des œuvres du répertoire de l’artiste. En écho au rendez-vous fixé par Xavier Le Roy, la Galerie sud accueille un ensemble d’œuvres passées et présentes, hantées à bien des égards par l’oubli. Marcel Duchamp, Ed Ruscha, Rémy Zaugg, Mel Bochner, Tim Maul, Stephen Prina, Pierre Bismuth, Wim Delvoye, Matthew Buckingham, Arno Gisinger, Olaf Nicolai, Mario Garcia Torres, Joachim Koester, Didier Rittener, parmi d’autres, côtoient les propositions de Tris Vonna-Michell, Alexandra Pirici et Manuel Pelmus et d’une génération mêlant toutes les disciplines propres à la création contemporaine avec Stefan Sulzer, Mark Geffriaud, Sébastien Rémy, Alex Cecchetti, Jeremiah Day, Simon Fujiwara, Marie Lund et Nina Beier, Meris Angioletti…

Tel un espace accueillant archives et souvenirs, passé recomposé et mémoire vive, cette édition est l’occasion de redécouvrir l’expérience Furkart, un lieu « perdu » au cœur des Alpes suisses où, pendant près de vingt ans, les artistes les plus exceptionnels sont venus inscrire la trace de leur passage. Au cœur du Centre Pompidou, au Forum -1, le cinéaste Charles de Meaux est le conducteur inspiré d’un « Train fantôme ». Les tuyaux que le public est invité à emprunter à la découverte du film conçu pour l’occasion sont la réminiscence d’un des signes emblématiques de l’architecture du Centre Pompidou, resurgissant, comme une hydre, au beau milieu de l’espace. À l’arrivée du train, une sélection rare de films d’artistes complices de Charles de Meaux est offerte aux voyageurs/spectateurs, avec "La Face B", programme qui comprend des films de Dominique Gonzalez-Foerster, Apichatpong Weerasethakul, Melvil Poupaud, Lawrence Weiner parmi d'autres figures incontournables.

Vidéodanse est, cette année, étroitement liée au Nouveau festival du Centre Pompidou qui l’accueille dans l’Espace 315. Y a-t-il en effet meilleure manière d’aborder l’histoire de la danse qu’à travers le prisme d’un passé rappelé dans le présent ? Comme l’écrit justement Valérie Da Costa, commissaire de cette édition profondément renouvelée : « La relation entre la mémoire et l’oubli est probablement le nœud central à partir duquel s’établit tout geste chorégraphique. »

Cette 5e édition est aussi l’occasion de développer de nombreuses propositions dans les salles de spectacle avec des invitations faites ici encore à Xavier Le Roy, Eszter Salamon ainsi qu’à Miguel Gutierrez et Ivo Dimchev. La parole y trouve cette fois encore sa pleine place : écrivains et philosophes, artistes et critiques explorent, au fil de rendez-vous quotidiens, les relations que la littérature et l’ensemble des sciences humaines entretiennent avec l’oubli et la réminiscence. Parmi les invités que Jean-Pierre Criqui voit volontiers « Éblouis par l’oubli » : Simon-Daniel Kipman à la recherche de « La Palette des oublis », Sabina Loriga et « L’Oubli historique », Nathalie Quintane entre « oubli ET littérature », Milad Doueihi attentif à « L’Oubli numérique », Peter Szendy autour des « Tubes de Léthé ». Enfin, Jacques Aumont nous invite au cycle qu’il conçoit sur le thème de l’amnésie. Avec Alain Bergala, Laurent Jullier, Dork Zabunyan, Hervé Aubron, Vinzenz Hediger et lui-même, revoyons une sélection de films de Nanni Moretti, George Stevens, le groupe Dziga Vertov, Matt Reeves, Jürgen Böttcher et Shôhei Imamura.

La 5e édition du Nouveau festival du Centre Pompidou, ce sont trois semaines d’oubli dont vous vous souviendrez !