Un Nouveau festival / Eblouis par l'oubli

Eblouis par l’oubli

Un visage familier apparaît au détour de la rue, mais de qui s'agit-il au juste ? Un air vous revient ostinato en tête — quel en est le titre, l'interprète, le compositeur ? Au fait, comment se nomme cet auteur qui notait avec tant d'à-propos : « Pensée échappée, je la voulais écrire ; j'écris, au lieu, qu'elle m'est échappée » ? Plus secrètement, chacun de nous porte en soi une sorte de vide actif, une absence qui est comme la figure en creux de tout ce que nous pouvons rappeler à la surface de nos paroles ou de nos pensées. Pas de mémoire si elle ne flanche de temps à autre et ne laisse se relancer notre dispositif enregistreur.

Tout cela, c’est l'oubli, dont on tentera en neuf séances d'esquisser la mécanique aussi bien que l'éventail des effets. La psychopathologie et la discipline historique s'attacheront respectivement aux registres individuel et collectif, en proie l'un et l'autre au refoulement, à la perte et à la destruction. La littérature et la musique seront abordées en tant que territoires de l'oubli au travail, qu'il soit feint ou subi. On analysera par ailleurs ce qui fait de l'univers numérique un véritable chemin de Damas où se confondent oubli et mémoire, obscurcissement et excès de lumière, selon la logique propre à l'éblouissement. Enfin quatre artistes viendront évoquer ce qui dans leurs œuvres, empruntant les voies de la métaphore ou de la reconstitution, ressortit à l'oubli sous les espèces de l'effacement, du recouvrement et de la disparition.

Jean-Pierre Criqui