Exposition / Musée
Danser sa vie
23 nov. 2011 - 2 avril 2012
L'événement est terminé
Le Centre Pompidou consacre une exposition sans précédent aux liens des arts visuels et de la danse, depuis les années 1900 jusqu'à aujourd'hui. « Danser sa vie » montre comment ils ont allumé l'étincelle de la modernité pour nourrir les courants majeurs et les figures qui ont écrit l'histoire de l'art moderne et contemporain. L'exposition illustre son propos par les oeuvres des figures artistiques du 20e siècle, des mouvements fondateurs de la modernité, ainsi que par les recherches des artistes et danseurs contemporains. Elle montre l'intérêt commun de l'art et de la danse pour le corps en mouvement. « Danser sa vie » fait dialoguer toutes les disciplines, des arts plastiques et de l'art chorégraphique. Un vaste choix de peintures, de sculptures, d'installations, d'oeuvres audiovisuelles et de pièces chorégraphiques, témoigne de leurs échanges incessants, d'un dialogue souvent fusionnel.
Le Centre Pompidou consacre une exposition sans précédent aux liens des arts visuels et de la danse, depuis les années 1900 jusqu’à aujourd’hui. Danser sa vie montre comment ils ont allumé l’étincelle de la modernité pour nourrir les courants majeurs et les figures qui ont écrit l’histoire de l’art moderne et contemporain. Sur plus de deux mille mètres carrés, l’exposition montre l’intérêt commun de l’art et de la danse pour le corps en mouvement ; elle illustre son propos par les oeuvres de figures artistiques du 20e siècle, des mouvements fondateurs de la modernité, ainsi que par les recherches des artistes et danseurs contemporains. Toutes les disciplines des arts plastiques – y compris la vidéo contemporaine – et de l’art chorégraphique dialoguent. Un vaste choix de peintures, de sculptures, d’installations, d’oeuvres audiovisuelles et de pièces chorégraphiques, témoigne d’échanges incessants. Danser sa vie expose la danse, mêlant les médiums pour privilégier l’immersion du spectateur, le plongeant, grâce au film, au plus près des corps en mouvement.
« Le geste est l’agent direct du coeur » disait François Delsarte, penseur du 19e siècle qui influence la naissance de la danse moderne avec son art de l’expression. Tout le parcours de l’exposition est relié par un postulat qui ouvre le 20e siècle. « Mon art est précisément un effort pour exprimer en gestes et en mouvements la vérité de mon être. Dès le début, je n’ai fait que danser ma vie », écrivait Isadora Duncan dans Ma vie. Elle annonçait l’une des tentatives de l’art du 20e siècle : relier l’art à la vie. Comme le dit aussi Merce Cunningham, la danse, « manifestation visible de la vie », est « cet instant fugitif où l’on se sent vivant » ; elle place la vie au coeur de son projet. Trois axes articulent cette histoire de la danse et de son lien aux arts visuels : une subjectivité qui s’incarne dans l’oeuvre jusqu’à devenir expression, une histoire de l’abstraction du corps et de sa mécanisation, et enfin la performance, née avec les avantgardes dada, qui s’est définie avec la danse au point de se confondre avec elle à partir des années 1960.
La danse est au centre de la révolution moderne. Avec ses pionnières – Isadora Duncan et la danse libre, Loïe Fuller et les ballets cinétiques –, avec le génie sensuel d’un Nijinski, une rupture a eu lieu dans l’art du corps en mouvement, art de l’espace et du temps. Ce tournant a exercé une influence décisive dans l’évolution des arts visuels. Les danses serpentines de Fuller, métamorphosées par la couleur, inspireront les symphonies chromatiques de Sonia Delaunay, le dynamisme des oeuvres futuristes de Gino Severini ou Fortunato Depero. Toutes les avant-gardes, cubisme, futurisme, orphisme, De Stijl, Dada, Bauhaus ou constructivisme russe, s’emparent de la danse, fascinées par le corps en mouvement, ses couleurs, ses lignes et ses rythmes. De Francis Picabia à Fernand Léger ou Theo Van Doesburg, la danse génère des ballets abstraits et mécaniques. En résonance avec les évolutions d’un 20e siècle en pleine industrialisation, danseurs et artistes inventent un répertoire de gestes et de formes, font entrer le corps dans la modernité. L’exposition montre les constants va-et-vient entre l’histoire et l’actuel, provoquant des rencontres inédites : dans la lignée de la femme traversée de pulsions de vie et de mort, dansée par une Mary Wigman « sorcière » du courant expressionniste, s’inscrit l’invention du Theatertanz de Pina Bausch, elle-même héritière de Kurt Jooss. Le corps mécanisé et stylisé, au coeur des recherches du danseur et dessinateur Laban. Sa figure de l’icosaedron (volume à facettes enserrant toutes les possibilités de mouvement du danseur) influence William Forsythe, puis trouvera des échos dans les recherches d’Olafur Eliasson, qui réalise une oeuvre inscrite dans cet héritage, spécialement pour « Danser sa vie ».
Quant à l’art de la performance, il n’aurait pas été le même sans la danse. Le Black Mountain College a été le berceau d’une intense activité où danse et performance se sont intimement rapprochées, notamment avec la complicité de John Cage et Merce Cunningham à la fin des années 1940. Les liens se sont resserrés grâce à la brèche ouverte par la danseuse américaine Anna Halprin, dans les années 1950, renouant avec les actes du quotidien, avec la nature et avec l’espace sociopolitique. Les innovations du Judson Dance Theater à New York dans les années 1960, les happenings d’Allan Kaprow et de Fluxus dans les années 1950 et 1960 font du corps en mouvement le sismographe des états d’âme de la société contemporaine. Les allers et retours entre chorégraphes et artistes sont incessants, certains se définissent alors à la fois comme plasticiens et chorégraphes. La fréquentation des peintres de l’expressionnisme abstrait amène ainsi Merce Cunningham à concevoir l’espace scénique comme un tableau non figuratif, un espace non hiérarchisé.
Il s’entoure d’une constellation d’artistes, renouvelant la notion d’oeuvre d’art total héritée du théâtre wagnérien. Trisha Brown, à la fois danseuse et plasticienne, investit le musée, les toits ou la rue. La danse est partout. Comme le rappelle le philosophe Georges Didi-Huberman, « on danse le plus souvent pour être ensemble». Cette invitation résonne dans la danse et l’art contemporains à travers un attrait renouvelé pour la danse populaire, une source d’inspiration pour les artistes, depuis le bal Bullier pour Sonia Delaunay jusqu’aux danses endiablées de Joséphine Baker pour Alexander Calder. Ce sont les pas de fox-trot qui s’impriment sur le Dance Diagram de Warhol à la fin des années 1960. La culture du clubbing qu’il contribue à forger inspire beaucoup d’artistes après lui. Les grandes heures du disco et la prestation de John Travolta dans le film Saturday Night Fever, à la fin des années 1970, suscitent encore aujourd’hui une nouvelle lecture d’Ange Leccia, tandis que le bal populaire et la prestation du « gogo dancer » inspirent à Felix Gonzalez-Torres deux oeuvres liées à la performance. Les dernières années voient resurgir la danse dans l’art contemporain : au fil de l’exposition, diverses oeuvres de Matthew Barney, Simon Dybbroe Moeller, Daria Martin, Jeff Mills, Kelly Nipper, Mai-Thu Perret ou encore Tino Sehgal dialoguent avec les chefs-d’oeuvre de la modernité.
par Christine Macel et Emma Lavigne, conservatrices au musée national d'art moderne, commissaires de l'exposition
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis