Débat / Rencontre
Dormir, Rêver
Dormir, Rêver
15 - 18 avril 2005
L'événement est terminé
Dormir, rêver. Des moments essentiels autour desquels s'organise l'existence humaine, le sommeil est sûrement celui dont nous avons la conscience la plus paradoxale : c'est celui auquel nous échappons le moins et qui nous échappe le plus. De cela, dessins ou peintures témoignent sans doute le mieux.
Dormir, rêver. Des moments essentiels autour desquels s'organise l'existence humaine, le sommeil est sûrement celui dont nous avons la conscience la plus paradoxale: c'est celui auquel nous échappons le moins et qui nous échappe le plus. De cela, dessins ou peintures témoignent sans doute le mieux.
En dormant, nous nous retirons de la communauté humaine (mais peut-être pas de l'histoire, du monde), et nous rejoignons en même temps l'activité la plus partagée, la plus commune et la plus oublieuse. Ainsi on envisage aisément une histoire de l'alimentation, une histoire de l'amour ou une histoire de la mort ; pourquoi pas une histoire du sommeil et du rêve ? Nous savons bien que nous n'aimons pas comme les Grecs, que nous ne mangeons pas comme les Romains, que nous ne mourrons pas comme les Navajos. Pourquoi restons-nous attachés à l'idée que nous dormirions comme eux et que nous partagerions leurs rêves ou du moins la structure ou les enjeux de leurs rêves ? Dormir, rêver, serait-il plus naturel que mourir ou que manger pour tenir ainsi à distance toute forme d'historicité ?
Les recherches les plus récentes liées à la neurophysiologie sont de nature à nourrir puissamment les débats, heureusement pas à les trancher. Certes il y a cette dimension commune que souligne Henri Michaux : "Il est plus certain encore que c'est par les rêves que l'humanité forme malgré tout un bloc, une unité - d'où l'on ne peut s'évader " et qui se comprend. L'un se retrouve dans l'autre, quoiqu'il veuille, le juge dans l'assassin, le sage dans le fou, le fonctionnaire dans le musicien et le bourgeois dans le libéré, non pour s'être bien observés les uns les autres, mais pour avoir tous été dormeurs".
On doit cependant constater une historicité du regard qui se révèle à travers l'ambivalence des sentiments que le sommeil inspire, et qui se confirme à travers leur remarquable déplacement: crainte ou attrait, mépris ou glorification ; du dédain romantique au souci d'aujourd'hui du " bien dormir " pour faire face au quotidien. Cela conduit à s'interroger sur une historicité plus substantielle, induite par les situations extrêmes de la dictature, de la guerre et des camps, mais aussi de façon " ordinaire " par l'accélération des processus de production, d'échange et de péremption. Le sommeil peut alors faire figure de refuge, se retrouver affublé d'un caractère originel presque " animal ", comme une forme, justement, de dénégation de son investissement massif par la société.
"L'histoire, écrit Pierre Pachet, n'intervient pas de l'extérieur dans les sommeils (...). Attaqués dans leur texture intime, ils annoncent ou désignent un moment historique, le nôtre peut-être, où un rythme essentiel de la vie humaine, et qui semblait éternel, protégés par les mythes les plus anciens comme par la terre elle-même, semble montrer son historicité, sa fragilité, son aptitude à évoluer."
En résonance avec l'exposition Comme le rêve le dessin au Musée du Louvre et au Centre Pompidou.