Exposition / Musée
Julien Prévieux
Prix Marcel Duchamp 2014
23 sept. 2015 - 1 févr. 2016
L'événement est terminé
L'oeuvre de Julien Prévieux, lauréat du prix Marcel Duchamp 2014, se développe en interrogeant les mondes du travail, de l’économie, de la politique ou en jouant avec les dispositifs de contrôle, les technologies de pointe et les théories du management. Dans l’Espace 315 du Centre Pompidou, avec le soutien de l'ADIAF, l'artiste propose une exposition associant film, sculptures et dessins, dont le thème est l'enregistrement du mouvement.
Michel Gauthier - Après avoir constitué une archive chorégraphique des gestes à venir, vous vous intéressez à l’enregistrement du mouvement...
Julien Prévieux - Un film va tracer une histoire de la capture des mouvements depuis l'enregistrement des marches pathologiques par Georges Demenÿ à la fin du 19ème siècle jusqu'au « renseignement fondé sur l’activité » du département américain de la défense. Tous ces enregistrements définissent aussi une esthétique dont les artistes se sont emparés, comme Man Ray avec ses light writings ou, plus proche de nous, Harun Farocki : son oeuvre Deep Play montre les déplacements de footballeurs pendant un match sous forme de diagrammes. J'ai choisi ici de mêler des peintures et des sculptures abstraites, des visualisations de comportements, de déplacements, de gestes et de regards. Ensemble, ils définissent un paysage de données en tout genre, obtenues suivant des protocoles de fabrication singuliers.
MG - Qu'attendez-vous de la transformation « en oeuvre d'art » d'un mouvement n'ayant rien à voir avec l'art ?
JP - Je présente dans l'exposition un ensemble de peintures à l'aérographe, réalisées par des policiers de la brigade anti-criminalité du 14ème arrondissement de Paris. Elles sont habituellement produites par ordinateur d'après la localisation de délits récents. Pour l'exposition, ces heatmaps sont peintes par les policiers eux-mêmes qui ont pris le temps d'exécuter, une par une, les étapes du processus informatique. Une perte d'efficacité pour un gain sur d'autres plans : discussions sur les mutations de la police, échanges au sujet des nouvelles méthodes de management et aussi production de très belles peintures abstraites. Au fond, tout geste enregistré, qu'il s’agisse de se frotter le front, d'un vol à la tire ou d'un simple regard, peut ainsi devenir une oeuvre d'art.
MG - Manifestement votre oeuvre n'a pas renoncé à être critique. Quelle conception vous faites-vous de la dimension critique de l'art ?
JP - Frontale et oblique. Avec les dessins réalisés à partir d’une photographie des
bureaux de Google prise au téléobjectif, il s'agit de traquer le traqueur. Avec l'archive des regards, la stratégie vise à reprendre la main sur des dispositifs de mesure qui semblent de prime abord condamner les usagers à la passivité. En comprenant comment les outils d'évaluation contemporains fonctionnent et en décidant de prendre en compte leurs seules qualités visuelles, on renforce leurs potentialités ludiques et esthétiques pour en altérer en profondeur la finalité.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis