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Le Centre Pompidou &... Riad Sattouf

Artiste incontournable de la BD contemporaine grâce à des séries comme L'Arabe du futur, Pascal Brutal ou Les Cahiers d'Esther, Riad Sattouf figure forcément en bonne place dans l'exposition « Bande dessinée, 1964 - 2024 ». Alors que sort justement le drolatique dernier album documentant la vie de la jeune Esther, rencontre avec un auteur hautement prolifique.

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Esther, Pascal Brutal, le petit Riad, De Bouvier... Autant de personnages qui ont durablement marqué l'imaginaire des millions de lecteurs qui ont dévoré les albums de Riad Sattouf. Alors que sa saga familiale L'Arabe du futur (six volumes traduits en vingt-deux langues, plus de trois millions d'exemplaires vendus, Grand Prix 2023 du festival d’Angoulême) s'est achevée en 2022, voilà qu'il publie Les Cahiers d'Esther - Histoires de mes dix-huit ans (Allary Éditions), dernier chapitre de la vie de la jeune Esther, qu'il suit depuis ses dix ans. Dans ce nouvel album à la fois drôle et émouvanton retrouve la Parisienne bientôt majeure. Le baccalauréat, Parcoursup… Autant d'épreuves pour celle qui s'apprête à tourner la page de l'enfance. La vraie Esther (fille d'amis de l'auteur, ndlr) sortira-t-elle enfin de l'anonymat ?

 

Esther, Pascal Brutal, le petit Riad, De Bouvier... Autant de personnages qui ont durablement marqué l'imaginaire des millions de lecteurs qui ont dévoré les albums de Riad Sattouf.

 

Une chose est sûre, l'heure n'est pas à la nostalgie pour Riad Sattouf, lui qui a mille projets sur le feu, dont un film avec le trio Les Inconnus, ses idoles absolues (né en 1978, il connaît tous leurs sketches télévisuels des années 1990 par cœur). Au cinéma, Riad Sattouf a connu le succès avec Les Beaux Gosses, son premier long métrage en 2009 (un teen movie hilarant qui révéla Vincent Lacoste), tout comme l'infortune avec Jacky au royaume des filles (2014), comédie burlesque ayant pour toile de fond une dystopie matriarcale (le film est depuis devenu culte)…

 

Rencontre avec un artiste stakhanoviste et passionné, qui partage des liens forts avec le Centre Pompidou — et même avec Georges Pompidou lui-même, qu'il dessinait à la perfection lorsqu'il était enfant, à la grande joie de sa grand-mère pompidouphile. En 2019, la Bibliothèque publique d'information accueillait ainsi « L'Écriture dessinée », une grande rétrospective de son travail de bédéaste. Et Riad Sattouf figure évidemment en bonne place dans l'exposition-monde « Bande dessinée, 1964 - 2024 », aux côtés de ses maîtres Hergé, Claire Bretécher ou Art Spiegelman.

« Comme beaucoup de Parisiens, je ne sors pas tellement, et je ne vais que rarement au musée… Je sais c’est mal ! Mais quand j’étais étudiant aux Gobelins, je venais très souvent au Centre Pompidou. J’ai un vif souvenir d’une exposition dans laquelle j’ai découvert les œuvres du photographe et plasticien américain Joel-Peter Witkin — cela devait être à la fin des années 1990. Ses clichés, qui mettent en scène des vrais cadavres dans des sortes de montages à la fois esthétiques et provocateurs ont produit chez moi un véritable choc. C’était très violent ! Je ne peux m’empêcher de me poser la question de savoir comment son œuvre, si transgressive, serait interprétée aujourd’hui, tant notre époque a tendance à mettre en place une forme de relecture de l’histoire de l’art.

 

C’est aussi à cette époque que j’ai vu mes premiers Bacon au Centre Pompidou, un autre choc terrible ! J’étais fasciné par sa peinture — je reste très attaché à l’aspect pictural. Je me souviens aussi être allé dans l’Atelier Brancusi et avoir pensé à ce qu’aurait pu ressentir Brancusi de voir son œuvre présentée là, dans un musée… Quand j’étais étudiant, je m’interrogeais beaucoup sur ce que signifiait être un artiste “validé" par l’institution, cette idée me travaillait énormément.

Pour moi, l’arrivée de la bande dessinée dans une grande institution comme le Centre Pompidou, c’est super, mais ce n’est pas vraiment un événement si symbolique que ça… Cela fait quand même des années que la BD est un art majeur ! J’avoue ne pas être très sensible à la "validation institutionnelle", mais c’est évidemment génial de se retrouver aux côtés de Moebius ou Hergé, mes idoles.

 

Pour moi, l’arrivée de la bande dessinée dans une grande institution comme le Centre Pompidou, c’est super, mais ce n’est pas vraiment un événement si symbolique que ça… Cela fait quand même des années que la BD est un art majeur !

Riad Sattouf

 

En 2019, j’avais eu droit à une exposition personnelle à la Bibliothèque publique d’information, et c’était très émouvant pour moi de passer après des artistes que j’admire comme Art Spiegelman ou Claire Bretécher, qui ont eux aussi été présentés à la Bpi. Il m’est d’ailleurs arrivé un truc assez marrant alors que je visitais cette exposition avec la véritable Esther, des Cahiers d’Esther… Devant nous, un couple de personnes âgées était en train de lire l’une des planches exposées, tirée du tome 1. Soudain, le papy se retourne et nous dit : "Mais vous croyez que les jeunes d’aujourd’hui s’expriment comme ça ?" Et là, il demande à Esther : "Vous parlez vraiment comme ça, vous ?" Ce à quoi la vraie Esther a répondu, sur un ton un peu moqueur : "Ben oui, han !" C’était très drôle, cette rencontre entre réalité et fiction ! » ◼