Hollande
[1957]
Hollande
[1957]
Domaine | Dessin |
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Technique | Gouache sur papier |
Dimensions | 13 x 8,6 cm |
Acquisition | Dation, 2004 |
N° d'inventaire | AM 2004-508 |
Informations détaillées
Artiste |
Jean Bazaine (Jean-René Bazaine, dit)
(1904, France - 2001, France) |
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Titre principal | Hollande |
Date de création | [1957] |
Domaine | Dessin |
Technique | Gouache sur papier |
Dimensions | 13 x 8,6 cm |
Inscriptions | Non signé, non daté |
Acquisition | Dation, 2004 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 2004-508 |
Analyse
Après la période de l’Occupation, durant laquelle Bazaine a déployé à Paris ses activités sous la bannière des Jeunes peintres de tradition française, les années d’après-guerre et la liberté retrouvée permettent à l’artiste d’entreprendre plusieurs voyages, qui l’incitent à renouveler son approche du paysage. En 1952, un premier séjour aux États-Unis a ainsi suscité des aquarelles très colorées, vues urbaines inédites dans sa production (Chicago, 1952, MNAM). En 1956, un voyage en Zeeland (Pays-Bas), où il retournera les deux étés suivants, est l’occasion pour lui d’éprouver un rapport renouvelé à l’espace et à la lumière, « ciel, terre et eau répercutés à l’infini ». Bazaine entreprend alors parallèlement à des peintures de chevalet une série d’œuvres sur papier qui figureront dans Hollande, un album édité en 1962 par la galerie Maeght, où elles sont accompagnées d’un texte du poète Jean Tardieu. Le présent dessin, qui y est reproduit dans l’autre sens (haut/bas), fait partie de douze de ces petits paysages hollandais conservés par le Musée et tirés d’un carnet utilisé en 1957 et 1958. Ces études de nuages et d’eau manifestent un goût nouveau chez Bazaine pour des valeurs claires, comparé surtout à la palette plus sombre des dessins tout récents faits à Rochetaillée, dans la région stéphanoise (1955, MNAM). Œuvres miniatures entretenant un rapport d’échelle inversé à l’espace, ces paysages allusifs célèbrent à leur manière les noces du graphique et du pictural, des plages de gouaches plus ou moins denses venant recouvrir des tracés nerveux d’encre noire. Comme un lointain souvenir, la grille orthogonale sous-jacente tracée au crayon-feutre tend de même vers sa propre disparition, métaphore de l’immersion du regard de l’artiste dans le grand Tout de la Nature.
Familier du petit port de Saint-Guénolé, dans le Finistère, Bazaine prend souvent celui-ci pour sujet, depuis 1936. En témoignent plusieurs belles feuilles de la collection – une aquarelle de 1946, deux carnets dédiés à ce thème en 1961 et 1963, et plusieurs dessins isolés : autant de modes d’approche de ces espaces marins dont Bazaine tente de saisir l’ordre secret, les variations incessantes et l’infinitude. À partir de la fin des années 1950, son style graphique évolue vers une abstraction rendue plus prononcée par un renoncement temporaire aux séductions de la couleur, et par une écriture tout à la fois dense et frénétique, qui s’approcherait de l’informel si elle ne restait le fait d’une imagination matérielle de l’eau et de la lumière. Cette période culmine en 1966 avec un ensemble de dessins dont le Musée conserve plusieurs exemples. Dans Saint-Guénolé, grande marée basse, le plus grand d’entre eux, Bazaine recourt à un essaim de signes aux parcours mouvants qui rendent compte avec bonheur des vibrations de la lumière sur une eau étale et miroitante. En chargeant plus ou moins sa plume d’encre noire, il trace des traits d’intensités diverses, qui lui permettent de réintroduire une forme de profondeur et d’étagement de plans. Il ménage aussi des réserves dans le foisonnement touffu des lignes courtes, sortes de trouées de lumière à la Turner où l’œil croit percevoir des formes fantomatiques. Commentant ces dessins en 1988, Bazaine évoque à leur sujet des « buissons de gestes au travers desquelles s’efforce d’apparaître un monde », « une mêlée de forces intérieures et contradictoires, comme la vie même ».
Si l’on peut relever des parentés stylistiques entre ce style graphique et certaines peintures de la même époque (Entre la pierre et l’eau, 1964, MNAM), le dessin, pour Bazaine comme pour Bonnard, qu’il considérait comme son maître, n’est jamais préméditation d’une peinture, mais mainmise sur l’instant, émotion face à la fuite de la vision. Revendiquant cette autonomie, n’envisage-t-il pas le dessin comme « une façon de s’incorporer le monde et de le projeter dans l’inconscient » ?
Christian Briend
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliographie
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