De 1 à 1000 Francs

Parmi les différents procédés auxquels recourt Claude Closky dans ses travaux, ceux de la taxinomie, de la classification, du rangement, sont assurément les plus récurrents, finissant par former un immense réseau de signes, de relations, de valeurs, de représentations, comme s’il s’agissait de constituer une partie de l’encyclopédie des sociétés contemporaines où se mêleraient inextricablement textes et images. Partie seulement, car Closky s’intéresse essentiellement au système iconographique de la société de consommation, dans laquelle chaque élément, aussi banal puisse-t-il paraître, renvoie à une totalité qui dépasse autant ses usagers que ses producteurs. Cette interdépendance du particulier et du général, ou, devrait-on plutôt dire, de la valeur d’usage et de la valeur d’échange à l’échelle mondiale, est littéralement rendue visible dans la grille exponentielle De 1 à 1 000 francs . Recyclant des publicités promotionnelles de toutes sortes de produits de consommation courante, présentant l’objet et son prix – tel objet à 1 franc, puis tel autre à 2 francs, puis 3, et ainsi de suite jusqu’à 1 000 francs –, cette œuvre s’apparente à une contrainte oulipienne – qui consiste pour l’artiste à trouver tous les éléments qui composeront cette suite prédéterminée –, mais veut surtout attirer l’attention sur le fétichisme de la marchandise , donc sur l’économie au fonctionnement de laquelle nous contribuons par le moindre petit achat. Il est clair que Closky aurait pu continuer ainsi indéfiniment, démontrant une fois encore notre soif consumériste : tout s’achète et tout se vend.

Jacinto Lageira

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007

Après des études à l’École des arts décoratifs de Paris, Claude Closky explore – proche en cela de l’art conceptuel, de Sol LeWitt à Carl Andre – les continuités et les ruptures des systèmes d’organisation du sens appliqués au quotidien. Il utilise librement à cette fin plusieurs médiums : dessin, écriture, photographie, mais aussi installation, vidéo et son. Répéter et standardiser un geste pour le rendre insolite ou banaliser un instant d’exception relèvent chez lui d’une seule et même stratégie de dérèglement des codes de lecture de l’image. « Mon travail , avance-t-il pour qualifier sa “petite entreprise” de basculement de l’insignifiant dans le signifiant, porte sur tout ce que le quotidien a rendu banal, sur ce que l’on ne voit plus, que l’on ne remet jamais en question, sur les automatismes qui font la vie de tous les jours » (propos de l’artiste, galerie Jennifer Flay, Paris).

Parmi les différents procédés auxquels il recourt dans ses travaux, ceux de la taxinomie, de la classification, du rangement, sont assurément les plus récurrents, finissant par former un immense réseau de signes, de relations, de valeurs, de représentations, comme s’il s’agissait de constituer une partie de l’encyclopédie des sociétés contemporaines où se mêleraient inextricablement textes et images ; une partie seulement, car Closky s’intéresse essentiellement au système iconographique de la société de consommation, dans laquelle chaque élément, aussi banal puisse-t-il paraître, renvoie à une totalité qui dépasse autant ses usagers que ses producteurs. Cette interdépendance du particulier et du général ou, devrait-on plutôt dire, de la valeur d’usage et de la valeur d’échange à l’échelle mondiale, est littéralement rendue visible dans la grille exponentielle De 1 à 1 000 francs . Ici, la classification systématique se déroule en une longue bande murale – comme elle se déploie au fil des pages de ses livres d’artiste : Trois mille quatre cent quinze vendredis 13 (1992), Les 365 jours de l’année 1991 classés par ordre de taille (1991), 100 formes qui ne sont que triangulaires (1993) ou 8 560 nombres qui ne servent pas à donner l’heure . Dans De 1 à 1 000 francs sont recyclées des publicités promotionnelles de toutes sortes de produits de consommation courante, présentant un objet et son prix – tel objet à 1 franc, puis tel autre à 2 francs, et ainsi de suite jusqu’à 1 000 francs. L’œuvre s’apparente à une contrainte oulipienne – qui consiste pour l’artiste à trouver tous les éléments qui composeront cette suite prédéterminée –, mais elle veut surtout attirer l’attention sur le fétichisme de la marchandise , donc sur l’économie au fonctionnement de laquelle nous contribuons par le moindre petit achat. Il est clair que Closky aurait pu continuer ainsi indéfiniment, démontrant une fois encore notre soif consumériste : tout s’achète et tout se vend.

Jacinto Lageira

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008