Sans titre

Parmi les premières œuvres exposées par Joel Shapiro autour de 1970 figuraient déjà des objets accrochés au mur : l’encorbellement, le porte-à-faux comptent parmi les structures les plus fréquemment explorées par le sculpteur. Son imaginaire se nourrit la plupart du temps de formes architecturales ou d’objets mobiliers : ponts, maisons, chaises, tables ou – comme ici – étagères. À la même époque, Joel Shapiro réalise également des fusains et des gouaches dont les formes géométriques aux contours épais évoquent des plans d’architecture ( Sans titre , 1976, Mnam). C’est là son originalité au sein de la mouvance postminimaliste new-yorkaise où il émerge à la fin des années 1960 : sa géométrie apparaît en fait comme la simplification d’objets réels exhaussés au rang d’archétypes. L’artiste sacrifie en outre les dimensions souvent monumentales de l’art minimal et adopte une échelle beaucoup plus réduite, presque intimiste ; il ne refuse pas l’assimilation de sa sculpture à un simple objet placé à portée de main dans l’espace du spectateur, situation qu’avait stigmatisée Tony Smith dans un célèbre texte définissant la « bonne » échelle d’une sculpture, qui ne doit être ni monumentale, ni objectale. Ces caractéristiques favorisent une perception beaucoup plus subjective, voire fétichiste, de l’œuvre. Shapiro, par ailleurs, ne craint pas de revenir aux techniques traditionnelles de la fonte – de fer ou de bronze – et à une sorte d’artisanat de la sculpture que le paradigme industriel du minimalisme avait fait passer au second plan.

Arnauld Pierre

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007