Sans titre

Le début des années 1970 correspond chez Bazaine à la volonté de lutter contre un certain émiettement des formes et un raffinement presque excessif de la couleur, qui caractérisaient sa production des années 1960. Pour « retrouver la pureté des moyens », l’artiste s’astreint à réduire sa palette à quelques tons primaires, accorde une attention plus grande au blanc du support et privilégie l’aquarelle, médium alliant symboliquement l’eau et la terre en une synthèse archétypale. La série des douze aquarelles de grand format de La Chambre de musique (1977, Fnac), qui consacrent cette évolution, comprend plusieurs compositions faisant appel à des entrelacements de traits colorés plus ou moins chargés de pigments, caractéristiques de cette période. Ceux-ci se retrouvent dans les deux grandes aquarelles de la même année acquises par le Musée à la galerie Maeght, où elles ont figuré dans l’exposition « Peintures récentes, aquarelles » au printemps 1984. L’une d’elle montre une forme aux contours flous, qui prend l’allure d’un idéogramme complexe tracé en camaïeu rose-violacé, mixte de ce bleu et de ce rouge dont l’adoption par Bazaine remonte à l’Occupation, quand ces couleurs faisaient allusion aux ressources de la francité. Sans plus de référence, même allusive, à un paysage naturel, cette composition purement abstraite fait une place grandissante aux ressources du blanc, dont l’attrait conduira d’ailleurs Bazaine, dans la dernière décennie de sa carrière, à introduire pour la première fois dans son œuvre graphique des papiers aquarellés découpés se détachant sur le support (Le Rocher, la Rivière, 1992, MNAM). La directionnalité oblique et l’absence de centralité de la composition confèrent une puissante dynamique au motif traversant l’espace de la feuille, que Bazaine conçoit comme un simple fragment d’une réalité plus vaste.

Christian Briend

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008