Tuilage

À la fin des années 1960, la démarche de Patrick Saytour se montre proche de celle des artistes de Supports/Surfaces : « Déconstruction de la forme par son non-emploi (châssis, pliage) ou par sa répétition avilissante ; de la couleur par sa non-utilisation (transparence) ou sa valorisation (usage limité et répété de couleurs primaires) ; du format, par l’utilisation de surfaces démesurées et illisibles globalement, comportant des réserves, ou extensibles ; du cadre de présentation par le refus de tout lieu pictural privilégié ». Telle une parodie de l’art, le travail de Saytour, qui n’appartient ni au domaine de la peinture, ni à celui de la sculpture, évoluera néanmoins en marge de ce mouvement, cherchant à échapper à l’emprise des styles. Dès les premiers travaux (les pliages), l’artiste affirme son goût pour les matériaux dévoyés – satins brochés, toiles cirées, molletons – et les objets modestes, choisis neufs, contrairement aux objets récupérés par les Nouveaux Réalistes. De même, il utilise pour ses trempages les produits les moins nobles possibles : goudron, colle, peinture de marquage routier. Cherchant à instaurer une distance critique avec l’œuvre, Saytour produit un art parfaitement kitsch et disharmonique , où la couleur, vulgaire, est volontairement dépréciée. Pour ce Tuilage , il a découpé un morceau de toile à matelas, plus ou moins en forme de cercle – ersatz du tondo ? –, qu’il a laissé tout un été sur le toit de l’atelier, maintenu tout autour par des tuiles dont les empreintes visibles laissent apparaître le motif à fleurs demeuré intact de cette toile « solarisée ». Une traverse de bois, prise dans un feston de peinture blanche, semble étayer la toile. Accrochée au ras du sol, cette « solarisation » est-elle peinture ou sculpture ?

Nadine Pouillon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007