L'Orage
[1947 - 1948]
L'Orage
[1947 - 1948]
" Je dirais qu'il est formidable, cet homme, qu'il n'a jamais été plus sauvage, foudroyé, réveillé par son propre orage", écrit, enthousiaste, le poète Francis Ponge.
La matière tourmentée de L'Orage porte le drame existentiel de son époque. Tenant " du roc ou de la souche autant que de l'homme écorché ", cet être massif et sans visage incarne la fusion entre l'homme et la nature, la lutte entre la puissance de la masse et le phénomène de l'érosion. Richier prolonge l'héritage de Rodin tout en s'inscrivant pleinement dans la tendance matiériste et informelle de l'après-guerre.
Domaine | Sculpture |
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Technique | Bronze |
Dimensions | 197 x 77 x 50 cm |
Acquisition | Achat de l'Etat, 1949 |
N° d'inventaire | AM 887 S |
Informations détaillées
Artiste |
Germaine Richier
(1902, France - 1959, France) |
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Titre principal | L'Orage |
Date de création | [1947 - 1948] |
Circonstances de production | daté [1947-1948] / 1949 |
Collaborateurs | Fondeur : Fonderie Alexis Rudier, Paris (France), 1949 (Fonte au sable) |
Domaine | Sculpture |
Technique | Bronze |
Dimensions | 197 x 77 x 50 cm |
Tirage | Ex. 1/11 |
Acquisition | Achat de l'Etat, 1949 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 887 S |
Analyse
Germaine Richier étudie la sculpture dans l’atelier de Guigues, un ancien praticien de Rodin, à l’École des Beaux-Arts de Montpellier en 1920. Entre 1926 et 1929, elle poursuit son apprentissage à Paris dans l’atelier de Bourdelle, puis s’installe en 1930 dans un atelier où, jusqu’en 1939, elle réalise des nus et des bustes réalistes et sensibles. À partir de 1944, sa sculpture s’inspire du monde animalier (insectes, chauve-souris, crapauds) pour créer des êtres anthropomorphes à l’image de La Sauterelle (1944, coll. part.). Le corps humain reste au centre de son intérêt mais revêt un caractère allégorique ou fantastique. Commencé en 1947, L’Orage reprend le prototype de son Homme qui marche de 1945 (Paris, coll. part.). Pourtant inspiré par un célèbre modèle professionnel, Nardone, qui avait posé pour le Balzac de Rodin, c’est un corps sans visage, chargé d’une force primitive, d’une animalité qui tient, comme le soulignera André Pieyre de Mandiargues en 1953, « du roc ou de la souche autant que de l’homme écorché » (« La main déchaînée », Le Disque vert , n° 3, juillet-août 1953). Une représentation informe et brutale, qui descend de certains torses de Rodin, et dont la matière rugueuse et tourmentée renforce le caractère dramatique, d’essence existentialiste. L’artiste a fait évoluer l’héritage de Rodin et de Bourdelle vers un naturalisme baroque par son expressivité et son éloquence. Germaine Richier s’inscrit ici parfaitement dans le contexte de l’après-guerre, marqué par le rejet de l’esthétique classique et le triomphe de l’informel d’un Fautrier et du matiérisme de Dubuffet, mais la monumentalité de L’Orage évoque aussi la sculpture phare de l’époque, L’Homme au mouton (1944), dressé par Picasso sur la place de Vallauris. La sculpture, (dont le bronze a été tiré à 11 exemplaires), révélée à la galerie Maeght en 1948, souleva l’enthousiasme de Francis Ponge : « Je dirais qu’il est formidable, cet homme, qu’il n’ a jamais été plus sauvage, foudroyé, réveillé par son propre orage ; sortant tout abruti de quel sommeil dans les fourrés de la métaphysique, le crâne fendu, l’œil éclairé, sorte de King Kong, de champion de catch catégorie poids lourd mis knock-out debout par notre sculpteur […] (Francis Ponge, « Sculpture », in cat. exp., Germaine Richier, Derrière le miroir , Paris, galerie Maeght, octobre 1948, Éd. Pierre à feu, n° 13).
Bénédicte Ajac
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007