Exposition / Musée
Bertrand Bonello, Résonances : Exposition
19 sept. - 26 oct. 2014
L'événement est terminé
Musicien de formation, Bertrand Bonello a réalisé depuis le milieu des années 1990 douze films très différents, qui sont autant de prototypes. Son cinéma ne cesse de rechercher et d'expérimenter de nouvelles formes tout en restant délibérément fidèle à un certain classicisme. Ainsi s'adresse-t-il au plus grand nombre tout en l'amenant ailleurs, et autrement. Cet équilibre rare répond à des questions qui sont au coeur de la création contemporaine et qui s'inscrivent en même temps dans la grande tradition de la fiction : que faire du romanesque et du genre (au cinéma) ? Comment, aujourd'hui, donner à éprouver un récit, un espace, un personnage, une émotion ?
RésonancesPar Bertrand Bonello
Je ne suis pas habitué à essayer d'investir d'autres lieux que celui de la salle de cinéma. Lorsque la proposition d’occuper tout un espace du Centre Pompidou autour du lien musique et cinéma est arrivée, il me semblait naturel d'essayer de l'habiter comme un cinéaste et comme un musicien, plus que comme un plasticien. Et de repenser donc la monstration des films, ainsi que le rapport entre les images et les sons.
D'un côté, dans la salle, une rétrospective de mes films. De l'autre, dans l'espace, une proposition de « remixes », de renversements, de voix sans images et d’images sans voix, de redéfinitions des films, pour que chacun d'entre eux réapparaisse, renaisse.
L'oreille va davantage vers le dedans,
l'œil vers le dehors.
Robert Bresson
Oui, l'œil décrit de manière implacable ce qui lui est proposé, alors que l'oreille va aller chercher des choses plus difficiles à cerner, plus enfouies dans notre affect.
C’est pourquoi de ces images claires, j’ai voulu troubler les sons. De cette idée de rétrospective m'est venue l'envie de montrer aussi la totalité de mes films de manière différente, en repensant les liens entre eux, en les dénudant de leur bande-son, pour en fabriquer une nouvelle, qui les unirait, tout en les faisant se répondre, comme si l'on pénétrait une antichambre aux miroirs diffractés.
Faire vivre les films d'une autre manière.
Les films réalisés, mais également ceux qui n’ont pas pu se faire, qui vont trouver ici une première vie, au travers de voix et d’images fragmentées, comme des fantômes qui hanteraient les espaces.
Mais au-delà de mes propres films, l’envie aussi d'en redécouvrir d'autres de manière différente, toujours dans ce désir de bousculer le rapport sensoriel entre les images et les sons, au travers par exemple d’une programmation de films que l’on entendrait dans une salle de cinéma sans en voir les images. Films pour la plupart connus de tous, mais dont les images ne sont plus maintenant que des souvenirs face aux sons qui reviennent à nous.
Ou voir réagir les images d’un film muet à des accompagnements différents. Quel film voyons-nous à chaque fois alors que les images restent les mêmes ?
Mais au-delà de toutes ces réflexions sur un travail en cours, au fond une seule chose m'intéresse. C’est qu’une émotion nouvelle naisse de ces objets connus, bien loin d’une quelconque pensée théorique, mais au plus proche d’une plongée affective. Comme le cinéma.
EXPOSITION
Bertrand Bonello formule plusieurs propositions autour de cinéma et musique, image et son pour l'espace d'exposition.
REMIX- Bertrand Bonello, 2014
installation sur 7 écrans, 130' en boucle, coul., sonore
avec Quelque chose d’organique (1998, 90', 1.66 :1), Le Pornographe (2001, 108’, 1.66 :1), Tiresia (2003, 115’, 1.85 :1), Cindy, the Doll Is Mine (2005, 15’, 1.66 :1), De la guerre (2008, 130’, 1.85 :1), L'Apollonide, souvenirs de la maison close (2011, 125’, 1.85 :1), Ingrid Caven, musique et voix (2006-2012, 96’, 1.37 :1)
Avertissement : 3 films inclus dans l’installation ont fait l’objet d’interdictions à certaines catégories de public lors de leur sortie en salle, Le Pornographe et Tiresia (interdits aux – de 16 ans) et L’Apollonide, souvenirs de la maison close (interdit aux – de 12 ans). Quelque chose d’organique et De la guerre ont fait l’objet d’un avertissement tout public, certaines scènes étant susceptibles d’heurter la sensibilité des spectateurs.
« Le principe d'une rétrospective est de montrer tous les films les uns après les autres. J'ai eu envie, dans cette partie de l'espace, de les montrer en même temps. Que toutes les images se répondent, s'opposent, se dessinent les unes les autres.
Des bandes-sons originales, je ne garde que quelques dialogues, quelques bruits de chaque film, afin qu'ils restent incarnés même si désossés. Puis, pour réunir définitivement l'ensemble, j’ai composé une musique originale, diffusée dans l'espace, et qui devient la musique de tous les films. Que ces sept films ne soient qu’une seule fiction à plusieurs écrans. »
FILMS FANTÔMES - Bertrand Bonello, 2014
installation avec projection (19', en boucle, coul., son.), écran vidéo (28’, en boucle, coul., son.), photographies de Kate Moran par Carole Bethuel, textes, décor, et sons
en partenariat avec France Culture, producteur des deux ateliers de la créations radiophoniques autour de Madeleine d’entre les morts et La Mort de Laurie Markovitch, deux scénarios écrits en collaboration avec Stéphane Delorme
Madeleine d'entre les morts
« Par amour, Renée accepte par deux fois de se faire transformer pour les désirs de deux hommes. Pour l'un, elle participe à une machination meurtrière; pour l'autre, elle satisfait une obsession maladive. Elle mourra de n'être jamais aimée pour elle-même.
Voici une autre manière de raconter Vertigo. Le raconter non pas du point de vue de Scottie mais de celui de Renée/ Madeleine. Il s'agissait dans ce film de l'incarner, de lui donner sa vie propre, de montrer, de l'intérieur, ce que c'est que d'être une femme utilisée comme une image, une femme que l'on fait mourir, que l'on fait ressusciter, et que l'on fait mourir à nouveau. C'était un film totalement différent de Vertigo, un film que l'on aurait arraché à Scottie pour le rendre à Madeleine ; quelque chose que l'on ferait comme un geste d'amour, pour qu'enfin existe pleinement ce magnifique personnage de femme. Ce film ne s'est jamais fait.
J'ai voulu le faire renaître au son, grâce à quelques musiques que j'avais déjà faites, à quelques scènes enregistrées avec Mathieu Amalric et Clotilde Hesme, qui sont diffusées dans l'espace du Centre Pompidou, comme des voix fantômes, au milieu d'une dizaine de minutes d'images du film que j'ai tournées, presque par hasard avec Isild Le Besco et Alex Descas. »
La Mort de Laurie Markovitch
« Un homme tombe fou amoureux d'une femme et décide, pour lui prouver à quel point elle est parfaite et à quel point le reste du monde n'a plus d’importance, de devenir son sosie grâce à la chirurgie esthétique. La copie se retrouve alors face à l’original.
Ce film, que je n'ai pas pu tourner, m'a longtemps obsédé. Que fait-on alors, de ces films non réalisés ? Comment vit-on avec ? Comment vit-on avec ces fantômes ? Comment s'en débarrasse t-on ?
Comme pour Madeleine d'entre les morts, les voix de Kate Moran et de Louis Garrel le font renaître dans l’espace du Centre Pompidou, autour de photos et d'un élément de décor extraits d'un film inexistant. »
OÙ EN ÊTES-VOUS, BERTRAND BONELLO ? - Bertrand Bonello, 2014
projection sur 1 écran, 17', en boucle, coul., sonore
coproduction Centre Pompidou, Les Films du Bal et Arte Creative
« L'invitation du Centre Pompidou « d'exposer », de montrer, d'organiser une rétrospective, vient de paire une commande de film qui initie une collection, avec cette question réflexive, tournée à la fois vers le passé et l’avenir : "Où en êtes vous ?"
À l'heure d’écrire ces quelques lignes, le film n'est pas encore commencé. J'espère que lorsqu'il sera fini, la question restera entière. J'espère surtout qu'il en appellera d'autres. »
A voir et à revoir sur creative.arte.tv
BRUMES D’AUTOMNE, film de Dimitri Kirsanoff, 1928
12’nb 2014, moniteur avec casques, film avec 4 compositions musicales à la suite, de Paul Devred, Richie Hawtin, Diana Soh et Bertrand Bonello, 4x12’ en boucle, nb, sonore
La composition de Dianah Soh est une commande de l'Ircam-Centre Pompidou
« Douze minutes en noir et blanc, qui datent de 1928. Quelques feuilles dans le ciel, des reflets dans l'eau d’un lac, une lettre qui brûle dans une cheminée, quelques gouttes de pluie, les yeux plein de larmes du sublime visage de Nadia Sibirskaïa…
Poème "cinégraphique", comme il est écrit dans le générique, réalisé par Dimitri Kirsanoff, ce film est d’une beauté à couper le souffle, d’une émotion que peu de mots peuvent expliquer. La musique originale est de Paul Devred. Que verrions-nous de différent si la musique était différente ? Richie Hawtin (Plastikman), Diana Soh rencontrée via l'Ircam, et moi-même enregistrons chacun une musique pour ces douze minutes élégiaques, proposant ainsi des accompagnements différents des mêmes images. Dans ce programme de 4 x 12 minutes, les images se répètent mais ne sont finalement pas les mêmes. »
Les quatre compositions sur Brumes d'automne sont également présentées par Bertrand Bonello et Diana Soh le dimanche 21 septembre à 17h en Cinéma 2.
Paul Devred
Paul Devred, compositeur de musique de cinéma français actif durant les années 1920 et 1930, a travaillé pour des réalisateurs tels que Gabriel Rosca, Jean-Louis Bouquet, Giulio Del Torre ou Jean Dréville. Il a écrit la musique originale qui accompagne les images muettes de Brumes d’automne de Dimitri Kirsanoff, chantée par Mme Louise Mazzoli.
Richie Hawtin
Richie Hawtin est un DJ, musicien et producteur canadien, né en Angleterre en 1970. Il est un des représentants majeurs de la musique électronique depuis les années 1990, composant autant sous son véritable nom que sous le pseudonyme Plastikman.
Diana Soh
Diana Soh est une compositrice singapourienne, née en 1984. Après des études à l’Université de Buffalo, elle suit les Cursus 1 et 2 de l'Ircam. Composant autant de la musique de chambre que de l’opéra, elle explore les interactions dans l’interprétation d’oeuvres.
Bertrand Bonello
Après une formation de musique classique, Bertrand Bonello commence sa carrière comme musicien de studio pour Françoise Hardy, Elliot Murphy ou Daniel Darc. Une fois passé à la réalisation, il compose les bandes originales de tous ses films et créé le collectif Laurie Markovitch, avec Jipé Nataf (chanteur et compositeur des Innocents) et Mirwais Ahmadzaï (membre de Taxi Girl, musicien et producteur). Il sort fin septembre un nouvel album, Accidents.
COMPOSITIONS OBLIQUES - Bertrand Bonello, 2014
Deux moniteurs avec casques, présentant My New Picture (2007, 42' et 30', coul., sonore en boucle, 1.33 :1) et Stratégies obliques (2006, 30’ en boucles aléatoires, multiformat), coul., sonore
My New Picture
« La plupart du temps, c'est la musique qui accompagne des images. Là, il s'agit d'images qui accompagnent la musique. On a souvent dit que je faisais des films de musicien. J'ai eu envie de faire un album de cinéaste. Puis de le mettre en image. Je voulais que la narration ne soit que musicale. Un film pour les oreilles, disait Frank Zappa. Le film est divisé en quatre parties, quatre plans-séquences de la durée d'une bobine de 16mm. »
Stratégies obliques
« À l'origine, c'est un jeu de cartes. Il se présente dans une petite boîte noire, sur laquelle est écrit "Oblique Strategies" sur l'un des côtés et "Brian Eno / Peter Schmidt" sur l'autre. À l'intérieur, un peu plus d'une centaine de cartes. Le verso de chacune est noir. Sur le recto, une phrase.
Chaque jour, pendant sept jours, tirer trois cartes, plus une pour conclure.
Chaque jour, ne penser qu’à travers les quatre cartes tirées.
Les prendre en photo.
Faire un morceau de musique.
Le faire avec plaisir.
De toute manière, ce n'est qu'un jeu.
Le tout ainsi obtenu rend compte de l'influence des cartes - comme on le dirait de l'influence d'une substance.
De cela, j'ai fait un diaporama, dont la musique et les photos des cartes se répondent de manière aléatoire. »
Filmographie
1996 : Qui je suis - d’après Pier Paolo Pasolini
1997 : Les Aventures de James et David
1998 : Quelque chose d’organique
2001 : Le Pornographe
2003 : Tiresia
2005 : Cindy, the Doll Is Mine
2007 : My New Picture
2008 : De la guerre
2010 : Where the Boys Are
2011 : L’Apollonide, souvenirs de la maison close
2006-2012 : Ingrid Caven, musique et voix
2014 : Saint Laurent
En partenariat avec l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, UFR d’Arts plastiques
Quand
14h - 21h, tous les jours sauf mardis
Où
Partenaires
Cette manifestation est organisée par les Cinémas du Département du développement culturel du Centre Pompidou dans le cadre du Festival d'Automne à Paris
avec le soutien de l'Ircam
en partenariat avec