Débat / Rencontre
Poésie infinie
Soirée Michèle Métail
23 mai 2019
L'événement est terminé
A l’occasion de la parution de Michèle Métail. La poésie en trois dimensions, sous la direction d'Anne-Christine Royère, le Centre Pompidou a l’honneur d’accueillir pour cette soirée célébrant la « Poésie Infinie » deux performances écrites par Michèle Métail.
La première performance, 2888, est une lecture trilingue (anglais, français, allemand) à trois voix au cours du Danube, retraçant le long poème vertigineux, virtuellement infini de Michèle Métail, construit sur la concaténation et des « ricochets » de compléments de noms. Pour la première fois, la lecture se fera à trois voix avec la participation d’Anne-Sophie Roessler pour l’allemand et de Camille Bloomfield pour l’anglais.
La deuxième performance, Signe multiplicatif, solo, se fonde sur un ensemble de trois collections.
2888(Création)
Commencé à la fin de l’année 1972 à Vienne (Autriche), le poème infini Compléments de noms se fonde sur un mot très connu, souvent cité pour illustrer la capacité de la langue allemande à créer des mots composés à volonté : der Donaudampfschifffahrtsgesellschaftskapitän soit en français une succession de six mots : le capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur du Danube
Signe multiplicatif(Nouvelle version )
Comme 2888, Signe multiplicatif est une œuvre infinie. Elle se fonde sur un ensemble de trois collections : celle de multiples significations et occurrences de la lettre X , issues de tous les champs de la pensée et de la vie, celle de citations en chiasme, figure de style de forme ABBA et celle de photos représentant une grande variété de croisements, de formes en X, prises au hasard de mes déplacements.
Les matériaux collectés depuis 1994 sont des « réservoirs » qui s’enrichissent sans cesse et dans lesquels je puise la matière de performances, parfois accompagnées de musiciens, de conférences-performances ou d’expositions, qui se déclinent sous des titres variés. À travers une mise en relation dans la contiguïté des domaines, l’œuvre se construit au gré des contextes de sa présentation, elle reste ouverte et n’existe que dans l’acte de faire.
Michèle Métail est une figure essentielle de la poésie expérimentale et sonore. En 2018, elle reçoit le Prix d’honneur par le jury du Prix littéraire Bernard-Heidsciek-Centre Pompidou la consacrant ainsi comme une figure majeure et merveilleuse de la poésie sonore et de la littérature hors du livre.
Cette soirée est en partenariat avec le Marché de la Poésie.
Quand
19h - 20h30
Où
2888 (Création)
« À peine arrivée à Vienne pour y poursuivre mes études, j’explorais la ville. L’une de mes premières visites me conduisit au bord du fleuve où je découvris un bâtiment officiel de la DDSG : la compagnie des bateaux à vapeur du Danube. Le virelangue prenait corps dans la réalité. Le soir même j’ajoutai un mot à cet enchaînement, puis un autre, chacun faisant disparaître le dernier afin de conserver l’unité des six éléments :
La femme du capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur
La fille de la femme du capitaine de la compagnie des voyages en bateau
Le chien de la fille de la femme du capitaine de la compagnie des voyages
La niche du chien de la fille de la femme du capitaine de la compagnie
Le tapis de la niche du chien de la fille de la femme du capitaine
La couleur du tapis de la niche du chien de la fille de la femme
J’entrepris alors une ambitieuse croisière, une traversée des langues actionnée par les mécanismes du langage que sont notamment les figures de style et de rhétorique, la transposition de procédés issus de la poétique classique. Catachrèse et polysémie favorisent les dérivations, les méandres ; les accumulations de synonymes ou de rimes évoquent le débordement des eaux. Le nouveau mot introduit est poussé vers la sortie et ne réapparaîtra jamais, sans cesse remplacé par un autre, c’est ainsi que le poème se déclare infini. Il compte à ce jour plus de 25 000 vers. Il y a de la gourmandise, de la jubilation à passer en bouche tous les substantifs existants, ceux des langues anciennes, des langues mortes ou vivantes, des langues techniques, des langues inventées, des patois, des dialectes... Ce désir de prononcer les noms à haute voix impliqua un mode de diffusion : la publication orale par l’auteur.
Le Danube s’écoule sur 2888 kilomètres, il traverse plusieurs pays, plusieurs langues, marque parfois une frontière et il a pour particularité d’être mesuré à partir de son embouchure : le phare de Sulina. Descendre le fleuve c’est remonter vers le kilomètre zéro. Inversion symbolisée dès le premier vers par l’ordre des mots entre l’allemand et le français : Kapitän en fin de vers, capitaine en tête, comme un aller-retour entre les langues.
Si le poème conserve toujours sa syntaxe française : six éléments distincts en relation de génitif, il fait des incursions dans des langues étrangères avec des mots italiens, rhéto-romanches, esperantos, chinois... En 2002 à l’occasion du trentième anniversaire de sa création, j’écrivis en allemand, un passage autonome de 2888 vers, puis 2888 vers en français pour son quarantième anniversaire. En 2018 répondant à l’invitation de Jeff Barda à intervenir dans deux Colleges de Cambridge, l’idée prit forme d’une nouvelle suite de 2888 vers, cette fois avec des mots anglais.
La performance 2888 est conçu comme un tissage entre ces trois langues. Solos, duos et trios alterneront dans un flux ininterrompu, se jouant des barrières linguistiques en privilégiant le parcours de mots qui au fil de l’histoire furent empruntés, déformés, germanisés, anglicisés, ou francisés. »
Source :
Michèle Métail