Debate / Meeting
Infinite Poetry
Michèle Métail Evenning
23 May 2019
The event is over
To mark the publication of Michèle Métail’s work, La poésie en trois dimensions (published by Les Presses du réel), under the direction of Anne-Christine Royère, the Centre Pompidou is devoting a special evening to this major figure of contemporary poetry who was awarded the 2018 Honourable Mention of the Bernard-Heidsieck-Centre Pompidou literary prize.
The first performance, 2888, is a trilingual reading (English, French & German) in three voices of Cours du Danube, retracing the long, vertiginous and virtually infinite poem by Michèle Métail (with the participation of Anne-Sophie Roessler in German and Camille Bloomfield in English).
The second performance, Signe multiplicatif, is based on collections compiled by Michèle Métail around the letter X.
When
7pm - 8:30pm
Where
2888 (Création)
« À peine arrivée à Vienne pour y poursuivre mes études, j’explorais la ville. L’une de mes premières visites me conduisit au bord du fleuve où je découvris un bâtiment officiel de la DDSG : la compagnie des bateaux à vapeur du Danube. Le virelangue prenait corps dans la réalité. Le soir même j’ajoutai un mot à cet enchaînement, puis un autre, chacun faisant disparaître le dernier afin de conserver l’unité des six éléments :
La femme du capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur
La fille de la femme du capitaine de la compagnie des voyages en bateau
Le chien de la fille de la femme du capitaine de la compagnie des voyages
La niche du chien de la fille de la femme du capitaine de la compagnie
Le tapis de la niche du chien de la fille de la femme du capitaine
La couleur du tapis de la niche du chien de la fille de la femme
J’entrepris alors une ambitieuse croisière, une traversée des langues actionnée par les mécanismes du langage que sont notamment les figures de style et de rhétorique, la transposition de procédés issus de la poétique classique. Catachrèse et polysémie favorisent les dérivations, les méandres ; les accumulations de synonymes ou de rimes évoquent le débordement des eaux. Le nouveau mot introduit est poussé vers la sortie et ne réapparaîtra jamais, sans cesse remplacé par un autre, c’est ainsi que le poème se déclare infini. Il compte à ce jour plus de 25 000 vers. Il y a de la gourmandise, de la jubilation à passer en bouche tous les substantifs existants, ceux des langues anciennes, des langues mortes ou vivantes, des langues techniques, des langues inventées, des patois, des dialectes... Ce désir de prononcer les noms à haute voix impliqua un mode de diffusion : la publication orale par l’auteur.
Le Danube s’écoule sur 2888 kilomètres, il traverse plusieurs pays, plusieurs langues, marque parfois une frontière et il a pour particularité d’être mesuré à partir de son embouchure : le phare de Sulina. Descendre le fleuve c’est remonter vers le kilomètre zéro. Inversion symbolisée dès le premier vers par l’ordre des mots entre l’allemand et le français : Kapitän en fin de vers, capitaine en tête, comme un aller-retour entre les langues.
Si le poème conserve toujours sa syntaxe française : six éléments distincts en relation de génitif, il fait des incursions dans des langues étrangères avec des mots italiens, rhéto-romanches, esperantos, chinois... En 2002 à l’occasion du trentième anniversaire de sa création, j’écrivis en allemand, un passage autonome de 2888 vers, puis 2888 vers en français pour son quarantième anniversaire. En 2018 répondant à l’invitation de Jeff Barda à intervenir dans deux Colleges de Cambridge, l’idée prit forme d’une nouvelle suite de 2888 vers, cette fois avec des mots anglais.
La performance 2888 est conçu comme un tissage entre ces trois langues. Solos, duos et trios alterneront dans un flux ininterrompu, se jouant des barrières linguistiques en privilégiant le parcours de mots qui au fil de l’histoire furent empruntés, déformés, germanisés, anglicisés, ou francisés. »
Source :
Michèle Métail