Exposition / Musée
Prix Marcel Duchamp 2018
Les nommés
10 oct. - 31 déc. 2018
L'événement est terminé
Les quatre finalistes du prix Marcel Duchamp sont invités par le Centre Pompidou à exposer dans ses espaces.
Créée par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (Adiaf) et organisée en partenariat avec le Centre Pompidou, cette distinction compte aujourd’hui parmi les prix d’art contemporain les plus prestigieux au monde. Cette nouvelle édition offre un regard sur la scène artistique en France en donnant à découvrir les productions inédites de Mohamed Bourouissa, Clément Cogitore, Thu-Van Tran et Marie Voignier.
À travers l’exposition se font écho des préoccupations communes : repenser le récit à l’heure de la saturation médiatique, poser de nouvelles conditions d’expérience de la mémoire.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis
Où
Présentation des quatre finalistes
Mohamed Bourouissa
La pratique de Mohamed Bourouissa s’oriente tout d’abord vers la photographie. Partant d’une réflexion sur la périphérie, la marge et l’exclusion, l’artiste réinterprète la forme du « tableau vivant » en travaillant avec les jeunes habitants des banlieues, qu’il fait poser dans l’espace public. L’œuvre se développe ensuite à travers divers médiums, de la vidéo à l’assemblage et au dessin, tenant le fil d’une prise directe avec le réel. Résidences et collaborations donnent matière, dans chacun de ses projets, à des protocoles d’échange étendus hors du milieu de l’art.
L’installation que l’artiste a conçue pour cette exposition s’intéresse à un bâtiment historique, celui du premier hôpital psychiatrique construit en Algérie, à Blida. Inauguré en 1937, cet hôpital a été dans les années 1950 le lieu d’une rupture déterminante avec les méthodes discriminatoires et les thérapies inhumaines de l’époque coloniale. Le psychiatre et philosophe Frantz Fanon y a introduit de nouvelles méthodes de soin, fondées notamment sur le jardinage. Mohamed Bourouissa a pris pour guide un doyen du lieu, un patient qui a traversé le siècle. Une construction architectonique et un film interrogent cette histoire où s’entremêlent une idée de la folie, une pratique de la domination et une théorie raciale.
Clément Cogitore
Depuis la fin des années 2000, le travail de Clément Cogitore privilégie le médium du film, en se déplaçant entre images fixes et images en mouvement, entre format cinématographique et dispositifs d’installations. Le sens du rituel et la manifestation du sacré sous-tendent l’ensemble de son œuvre, inspirée par les rassemblements, les phénomènes communautaires et l’expression des croyances d’aujourd’hui, fussent-elles erratiques, sans objet défini. Fusionnant les codes de la fiction narrative et du documentaire, l’artiste puise aussi dans le modèle de la peinture. Le clair-obscur joue dans ses œuvres un rôle quasi-structurel : des émeutes de la Place Tahrir en 2012 aux foules extatiques d’un concert de rock, de l’intérieur d’une collection de peintures aux paysages désertiques de Sibérie, les images du monde contemporain deviennent visions.
Pour l’exposition, Clément Cogitore a travaillé avec des matériaux trouvés. L’histoire d’un personnage féminin est racontée à partir de scènes anonymes et stéréotypées, empruntées à des banques d’images mondiales où se fournissent les producteurs de films promotionnels. L’artiste amène vers un ailleurs ces coquilles vides, dont le sens fluctue au gré des utilisations. Diffusé sur un grand écran LED, le film met le regard à l’épreuve, déjouant le lisse et l’immédiat propres au registre médiatique.
Thu-Van Tran
L’œuvre de Thu-Van Tran traverse un large spectre de pratiques, de la sculpture à la peinture en passant par le film et l’installation. Elle s’est constituée entre deux cultures, nourrie d’une réflexion sur l’histoire coloniale du Viêt Nam, et sur les systèmes d’exploitation généralisés de l’homme et de la nature à travers le monde globalisé. Dans la littérature de Joseph Conrad, d’Albert Camus, de Fernando Pessoa, de Marguerite Duras, et d’autres, Thu-Van Tran puise une faculté de résilience et de transformation. La technique du moulage, par ailleurs, est l’un des socles de son travail : elle engage une relation intime, tactile à la matière ‑ cire, caoutchouc, résine exercent un travail de malléabilité, mettent en œuvre des processus ouverts, assumant une fragilité des formes et du langage. La couleur, enfin, devient à l’échelle murale un résonateur émotionnel et psychique.
Cinq nouvelles œuvres sont réunies dans cette exposition. Deux fresques et un grand dessin condensent une recherche sur les Rainbow Herbicides, avec lesquels l’armée américaine a rendu toxiques les sols au Viêt Nam. En contrepoint, un film déroule des images captées en divers coins du monde, où entrevoir une possible résistance, fût-elle symbolique. Deux sculptures, enfin, prennent directement le spectateur à partie, questionnant le présent et l’avenir de la condition humaine.
Marie Voignier
Après une formation en physique puis en photographie, Marie Voignier concentre sa pratique artistique sur le médium vidéo, en créant pour chacun de ses projets une méthode d’approche singulière. Portée par un esprit d’enquête et de témoignage, elle s’intéresse à des réalités complexes, à des histoires où se mêlent plusieurs vérités. Des hétérotopies du divertissement de masse de l’ère post-industrielle à la vanité du théâtre médiatique, du tourisme en Corée du Nord à la cryptozoologie dans l’Est du Cameroun, son langage conjugue subtilement les outils de l’observation et du montage pour mettre en tension le tangible et l’imaginaire.
L’installation conçue pour l’exposition part d’une recherche initiée en 2010, alors que l’artiste suivait un cryptozoologue dans la forêt du Cameroun sur la piste d’un animal fictif documenté par ses habitants (L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé, 2011). Entre 2015 et 2017, Marie Voignier revient filmer les paysans de Salapoumbé à travers une séquence de tableaux construits au rythme du quotidien, dans une confiance et une proximité inédites. Au cœur d’une forêt oubliée par la société urbanisée du pays, mémoires et récits trouvent leur chemin, l’histoire filtre à travers les mots, les images et les gestes.
Source :
in Code Couleur n°32, septembre-décembre 2018, pp. 30-31