Débat / Rencontre
Selon Benoît Peeters
Au loin s'en vont les images
19 oct. - 9 déc. 2011
L'événement est terminé
Cycles de conférences du 19 octobre au 9 décembre 2011
Benoît Peeters, écrivain, scénariste, réalisateur, critique, est invité à partager ses réseaux et ses affinités, à donner le 'ton' à une série de soirées à la façon d'un catalyseur ou d'un dénominateur furtif.
Trois questions à Benoît Peeters par Jean-Pierre Criqui, Chef du service de la Parole, Département du développement culturel du Centre Pompidou :
Jean-Pierre Criqui : Le thème que vous avez choisi pour cette série de rencontres est celui de l’image. Que penser de sa présence au fondement d’une grande partie de vos travaux ?
Benoît Peeters : Même si mon origine est littéraire (Barthes, le Nouveau roman), les images ont très vite pris une place prépondérante dans mon travail. Une sorte de soupçon, ou peut-être de réticence plus intime, m’a tenu à distance du roman comme de tous les « grands genres ». J’ai toujours été plus à l’aise dans les formes intermédiaires, impures, multipliant les collaborations avec des gens d’images. Au début des années 80, quand j’ai commencé à travailler avec Marie-Françoise Plissart, le récit photographique nous est apparu comme un formidable champ d’expérimentation : en réalisant des livres comme Droit de regards ou Le mauvais œil, nous avions tout à apprendre, tout à inventer. À la même époque, quand avec François Schuiten nous avons entamé Les Cités obscures, nous avions le sentiment que la bande dessinée proposait encore d’innombrables territoires à arpenter.
JPC : Vous êtes avant tout préoccupé par la capacité narrative des images. Diriez-vous plus largement, ainsi que le laisse entendre le titre d’un de vos récents essais (Écrire l’image, 2009), qu’il existe une affinité essentielle entre le visuel et le verbal ?
BP : J’ai écrit pour l’image, j’ai écrit sur l’image – ou plus exactement sur les images, car c’est avant tout l’image séquentielle qui m’a retenu, de Töpffer à Hitchcock, de Nadar à Hergé. Mais je ne crois pas qu’il existe une « affinité essentielle entre le visuel et le verbal ». Celui qui écrit sur les images le ressent : le commentaire risque à chaque instant de rester à côté, comme sans prise sur ce qui fascine vraiment. C’est peut-être ce qui m’a retenu jusqu’ici d’écrire sur la peinture, qui tient pourtant une place essentielle dans ma vie. Même dans les arts mixtes comme le cinéma ou la bande dessinée, la complémentarité repose sur une dialectique fragile : très vite si l’on n’y prend garde, le scénario tend à prendre le pouvoir, condamnant les images à n’être que l’exécution d’un programme. À l’inverse, un auteur complet comme Chris Ware conçoit ses bandes dessinées de telle sorte que les relations entre les images ne sont plus d’ordre simplement narratif : leur organisation fonctionne en tous sens, un peu à la façon des connections neuronales. Le verbal remplit chez lui des fonctions multiples : narratives, plastiques, littéraires. À ce titre et quelques autres, Ware est proche de certaines préoccupations de l’art contemporain.
JPC : En écho à un film d’Ari Kaurismäki (Au loin s’en vont les nuages, 1996), ce “Selon Benoît Peeters” s’intitule Au loin s’en vont les images. Serait-ce le destin de la culture visuelle que de voir ses objets finalement lui échapper ?
BP : Oui, et les images elles-mêmes sont peut-être en train de s’en aller, à force de se liquéfier. Les frontières entre le graphique, le photographique et le numérique ne cessant de se brouiller, l’arrêt sur image reculant au profit du flux, on a sans doute pris le chemin d’une insidieuse liquidation. Mais la mélancolie de la perte devrait les rendre plus désirables encore.
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