Exposition / Musée
Jean Cocteau
sur le fil du siècle
25 sept. 2003 - 5 janv. 2004
L'événement est terminé
L'exposition rétrospective, la plus importante à ce jour en France, consacrée à l'oeuvre éclectique d'un poète, écrivain, mais aussi cinéaste, peintre, animateur de la scène musicale française. Poète, écrivain, critique, mais aussi cinéaste, dessinateur, acteur de la scène musicale française, il déploie, des années 10 aux années 60, une activité diverse et féconde.
A travers plus de 900 pièces, dont 32 installations audiovisuelles mêlant extraits de films et d'archives, cette manifestation restitue sa juste place à la personnalité artistique de Jean Cocteau.
Exposition paradoxale cependant, qui met en scène l'homme rendu célèbre par ses apparitions dans l'actualité culturelle et mondaine de l'après-guerre et l'artiste dont le rôle demeure finalement méconnu. Les quarante années qui nous séparent de sa disparition ne sont pas parvenues à émousser une personnalité vive, sans toutefois rendre véritablement justice à son oeuvre.
Figure majeure de la vie culturelle de son temps, Cocteau en traverse toutes les péripéties et en incarne toutes les contradictions. Au-delà de l'image réductrice de touche-à-tout, cette exposition met en lumière une personnalité artistique complexe et irréductible. Poète, écrivain, critique, mais aussi cinéaste, dessinateur, acteur de la scène musicale française, il déploie, des années 10 aux années 60, une activité diverse et féconde.
Cette diversité se reflète dans les oeuvres présentées dans l'exposition : 335 dessins, 300 photographies, 22 tableaux d'artistes majeurs du siècle qui l'ont célébré, une cinquantaine de manuscrits, objets et sculptures. Enfin, une salle de projection au sein du parcours, présente notamment : Le Sang d'un poète, Orphée, Le Testament d'Orphée, Les Enfants terribles, La Belle et la bête, Les Parents terribles.
L'oeuvre polymorphe de Cocteau semble sans mystère, à la mesure d'une image publique qui masqua souvent une personnalité novatrice et parfois radicale. L'artiste aborde toutes les disciplines : peinture, dessin, sculpture, céramique, cinéma, théâtre, prose romanesque, poésie versifiée, chanson, danse... Il est le pôle inversé de Marcel Duchamp, son contemporain : à peu d'années près, l'un décide de ne plus "toucher à rien" quand l'autre entreprend de "toucher à tout". Fasciné par les contraires non résolus, Cocteau est simultanément moderne et néo-classique, révolutionnaire et "réactionnaire". Il se fait promoteur du jazz, du cinéma et de l'abstraction plastique ; il écrit Le Grand Ecart et Le Rappel à l'ordre ; il fait habiller Antigone par Chanel ; il parraine le premier Festival de Cannes, il découvre et défend le talent de François Truffaut.
Le "monde" de Cocteau est particulièrement peuplé : ses amitiés artistiques longues (Picasso) ou météoriques (Radiguet), ses inimitiés irréductibles (Breton) ou jalouses (Gide), ses compagnons (Jean Marais), ses amies (Piaf, Coco Chanel), ses protectrices (Anna de Noailles), tous ceux qui l'ont peint ou photographié (Kisling, Picasso, Modigliani, Delaunay, Man Ray, Warhol), ceux qui l'ont suivi, qu'il a rassemblés et encouragés (le Groupe des Six), ceux qui l'ont impressionné (Chirico, Stravinsky)... Ce foisonnement des disciplines et des personnalités qui se croisent et s'influencent constitue l'un des principaux ressorts de l'exposition.
Il s'agit donc avec Cocteau de dire un autre aspect de l'art du XXe siècle, siècle qui fut plutôt marqué par le minimalisme des avant-gardes, par les tendances de la figuration vers l'abstraction, par le doute autant que par la paradoxale fascination à l'égard des images, par les manifestes théoriques prétendant régir la production des formes, par un certain puritanisme encouragé par l'engagement idéologique...
Cocteau représente précisément une posture d'artiste exactement contraire à ces traits qui paraissent qualifier l'art moderne. Il aime, défend et illustre le merveilleux, s'émerveille du féérique, ne craint pas certaines retombées romantiques et symbolistes, défend un retour à l'antique comme un paradoxal anti-académisme, chante les vertus d'un somnambulisme poétique contre la prétendue lucidité idéologique, mais se détourne de la psychanalyse, ne craint pas le lyrisme, s'amuse et caricature la géométrisation des formes généralisées de la modernité.
Enfin, à l'inverse de l'autarcie qui s'associe parfois à la radicalité des avant-gardes, il assume avec joie une vocation d'intemédiaire, d'entremetteur capable de distinguer ce qui était assimilable et solide dans le panorama des avant-gardes, toujours prêt à communiquer aux autres, avec générosité et génie, les influences qu'il avait lui-même l'intelligence d'accueillir. Le temps qui a passé lui confère, légitimement et sans assortir cette formule de sarcasme, un statut de "professeur en modernité".
De manière inattendue, Cocteau rencontre aujourd'hui une actualité réactivée. En effet, l'art contemporain de ses vingt dernières années a connu l'apport stimulant de la musique et du cinéma. Il est frappant de mesurer combien son oeuvre marque de ce point de vue le XXe siècle. Si elle résiste encore aussi vivement aux modes successives, c'est, entre autres raisons, parce que Cocteau fut à la fois un "homme-musique" et un "homme-cinéma".Si l'écrivain est toujours reconnu, si le dessinateur est toujours réputé, il le doit à l'inédite vitesse qui agite son écriture et aux métamorphoses illimitées de son trait. Vitesse et métamorphose, autant de traits qui marquent spécifiquement les deux arts.
Cocteau demeure l'un des tout premiers artistes du XXe siècle pour qui le temps servit l'invention et la singularité.
Il est un "homme-temps" : au-delà de ses jeux symbolistes, de son goût pour les alternances entre mort et résurrection, pour les inversions ludiques et enfantines du déroulement des 24 images par seconde du cinéma, cet amoureux d'Orphée a pris conscience très tôt que le matériau artistique de son siècle, encore inutilisé parce qu'inacessible, était le temps. Pas de temps à perdre pour Cocteau, habité par le vif sentiment de l'éphémère - de la vanité d'une certaine manière - du passage sur terre. Les "bricolages" de l'artiste pour manipuler la représentation de la durée, pour démultiplier les mirages des miroirs, pour faire revenir à la vie ou dédoubler les corps désirables (qu'ils soient écoliers, anges ou marins...) firent plus que préfigurer notre époque : ils la réalisèrent en images et la mirent en spectacle.
Cocteau vécut tout.
Les vertiges mondains, l'illusion que la guerre pût "être jolie", les imprudences avec l'occupant allemand, l'acrimonie et l'amour secret que lui portèrent les artistes surréalistes, l'insulte pour anarchisme et la reconnaissance académicienne, la lucidité sur lui-même et les enfers artificiels, prolongés par de douloureuses périodes de désintoxication, l'égotisme de la majorité de ses écrits et la générosité pour ses amis, découvrant et soutenant de manière désintéressée de nouveaux talents.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis