Débat / Rencontre
René Magritte, "Le Stropiat", 1948
23 oct. 2005
L'événement est terminé
Par Jean-Yves Jouannais, critique d'art.
Tout le monde connaît René Magritte (1898-1967), en tout cas ses toiles les plus populaires dont la grande évidence poétique favorisa la diffusion sous les formes les plus commerciales (affiches ou cartes postales). Peintre d'idées, seule la pensée avait à ses yeux quelque valeur. Aussi sa peinture, se détournant des matières, fut-elle toujours l'expression d'un grand dédain pour les abstractions expressionnistes ou les alchimies matiéristes. D'ailleurs, on peut même avancer qu'il n'aimait pas peindre, et préférait à cette activité jouer aux échecs au Greenwich, son café préféré à Bruxelles.
Mais, en 1948, il y eut l'incroyable série de toiles qu'il intitula lui-même 'la Période vache'. L'occasion en fut sa première exposition personnelle à Paris, le 11 mai 1948, à la galerie du Faubourg. Magritte, de raisonneur, se muait soudainement en blagueur. Dix-sept huiles et vingt-deux gouaches plus incohérentes les unes que les autres, burlesques et approximatives, enfantines et de mauvais goût, et surtout volontairement bâclées allaient constituer une rupture stupéfiante avec sa manière traditionnelle. L'exposition fut un four.
Les surréalistes parisiens montrèrent en cette occasion peu de goût pour l'humour belge. Et ces toiles infâmes ne furent montrées de nouveau ensemble qu'un demi-siècle plus tard, en 1992, à Marseille, au musée Cantini, pour l'exposition La Période vache. Sur la couverture du catalogue figurait d'ailleurs notre toile, Le Stropiat.
Jean-Yves Jouannais est critique d'art et commissaire d'expositions. Il a été rédacteur en chef de la revue art press de 1991 à 1999. Il est rédacteur en chef de l'émission Exhibition sur Arte. Dernière publication : L'idiotie, art-vie-politique : méthode, éditions Beaux-Arts magazine, 2004 (1er prix du livre d'art du festival Le Livre et l'Art 2004).
Quand
À partir de 11h30