Où sont les lieux ?

Elie During : « Où sont les lieux ? »

La distension et l'éparpillement du tissu urbain, l'avènement de la « post-ville » dont les zones périurbaines nous donnent l'avant-goût, se paient d'une perte des lieux. Et cette perte est aussi celle du lien (de la mémoire, du commun, du « vivre ensemble », etc.) C'est du moins ce qu'on entend dire.

Abolition des échelles de proximité et du face-à-face humain, atopie et règne de l'instantanéité, espace des connexions et réseau globalisé : ce sont les motifs du jour, incessamment repris par les discours de célébration ou de déploration. Les artistes souvent leur emboîtent le pas : aux dérives technologiquement assistées (GPS et streaming) qui s'emploient à rentoiler la ville répondent ainsi la poétique du non-lieu ou de la friche. Cela vaut toujours mieux que d'être voué, au titre des « un pour cent » d'atmosphère ou d'imaginaire urbain, au polissage de l'espace public. Mais il serait dommage que la fausse évidence des lieux, ou de leur engloutissement supposé, nous empêche de voir émerger de nouvelles figures du local.

En se fondant sur quelques exemples prélevés au croisement de pratiques artistiques et non-artistiques, on tâchera de dégager sans morosité les conditions contemporaines d'une localité sans lieux.