Mémoires vives

Jusqu'en 1984, l'année de sa mort, Michel Foucault revendiquait avec la clarté habituelle de son style, et le mordant incisif de sa pensée, l'ambition du projet épistémologique qu'il n'a jamais cessé d'affiner, d'approfondir au fil de ses travaux : « entreprendre de savoir comment et jusqu'où il serait possible de penser autrement. » Il fut à partir des années 1960, aux côtés de Barthes, Deleuze ou Lacan, l'une des figures les plus marquantes du paysage culturel et intellectuel français (mais dont l'aura s'étendit et continue d'essaimer bien au-delà des frontières hexagonales), insufflant par ses travaux, qui ne sont pas réductibles aux clichés du structuralisme, vigueur et dynamisme intellectuel à une société qui, pendant quelques années, avait semblé prête à se remettre en question, tous azimuts : production des discours, exercice des pouvoirs, relations hommes-femmes, sexualité, statut de l'enfance, mécanismes d'élaboration de la délinquance, exclusion de la folie (aliénation/désaliénation), mise en examen des idéologies, des doxas, des lieux communs...

Quelques années, donc, d'un miracle moderne dont on se dit que les temps sont peu propices à son renouvellement actuel...

Il convient donc, plus que jamais, de réactiver, sans relâche et avec opiniâtreté, tout le brûlant de ces travaux, de ces recherches, de ces engagements dont on n'avait pourtant pas fini, loin s'en faut, d'exploiter les innombrables pistes.

Pour celui qui fut considéré comme historien, philosophe, qui ne se revendiquait véritablement qu'archéologue, adepte absolu de la lecture attentive et minutieuse, du croisement des « disciplines » (les bien nommées !) et des types de sources, s'efforçant de restituer au discours son caractère d'événement, à la pensée son discontinu, sa matérialité, il s'agissait bien de pousser notre pensée jusqu'à ses limites radicales.

Jusqu'à se coltiner les confins de l'hétéroclite radical : par-delà ces « espaces d'ordre » où le savoir s'organise, où s'articulent le visible et l'énonçable, il y a Des Espaces autres, pour reprendre le titre de cette conférence de 1967 donnée devant une poignée de jeunes architectes.

La bibliothèque, le musée : pour Michel Foucault, justement, ce sont des hétérotopies, des catégories de l'espace-temps qui se déploient dans un autre de l'espace et dans un autre du langage. Ce sont des seuils de ruptures, de discontinuités par rapport à la vie ordinaire, des unités spatio-temporelles où je suis et où je ne suis pas : comme le miroir, le cimetière, la maison close, la fête...

Nous l'y accueillerons donc, comme en son lieu naturel.

Avec :

Françoise Gaillard, philosophe, professeur à l'Université Paris VII

Philippe Artières : Entre les lignes : lire les archives Foucault.

Historien, CNRS/LAHIC - Le Groupe d'Information sur les Prisons, archives d'une lutte, 1970-1972, avec L.Quéro et M.Zancarini-Fournel, IMEC, 2003 - Michel Foucault, la littérature et les arts, actes du colloque de Cerisy 2002, Kimé 2004, avec le concours du Centre Michel Foucault.

Frédéric Gros : Foucault, lecteur des Anciens.

Philosophe, maître de conférences à l'Université de Paris XII - Foucault et la folie, PUF, 1997 - Michel foucault, PUF (Que sais-je ?), 2004

Philippe Dagen : Michel Foucault, un regard dans le trouble des images.

Professeur d'histoire de l'art contemporain, Paris.

Françoise Gaillard : L'Écriture : une illusion avant-gardiste.

Philosophe, professeur à l'Université de Paris VII.

Judith Revel : Foucault : Notes en bas de page, citations et grands absents.

Centre Michel Foucault - Vocabulaire de Foucault, Ellipses 2002 - "La pensée verticale" dans Le courage de la vérité, PUF 2002 - Foucault, Bordas, à paraître en janvier 2005.

Nathalie Piégay : L'Erudition imaginaire.

Maître de conférences en Littérature, Université Paris VII - Le Lecteur, Garnier-Flammarion, 2002.

Animation : Françoise Gaillard

Exposition présentée à la Bibliothèque publique d'information : "Portrait de Michel Foucault en philosophe."