Exposition / Musée
Robert Filliou
10 juil. - 15 sept. 1991
L'événement est terminé
Cette exposition est consacrée à l’artiste français Robert Filliou (1926-1987).
Après le Carré d’Art, Musée d’art contemporain de Nîmes, la Kunsthalle de Bâle et le Kunstverein, le Centre Pompidou tente de retracer l’enchevêtrement de sens, de poésie ou de rêve que furent la vie et l’œuvre de Robert Filliou. Pensée comme un jeu, cette dernière s’envisage comme un travail conjoint sur les mots, les sons, les images, dans le but d’une remise en question des fondements mêmes de la création.
S’il est aujourd’hui considéré comme un plasticien, lui qui utilise principalement le langage en tant qu’outil, cela est dû à sa rencontre avec de nombreux artistes, qui trouvent en lui une capacité d’invention et de stimulation permanente. Cela ne l’empêche pas de toucher à tous les médiums, le plus souvent bien avant les autres, dont le cinéma, la vidéo. Il envisageait d’ailleurs d’employer la puissance des ordinateurs pour créer un vaste mouvement de prise de conscience de la créativité individuelle.
Aucun autre artiste n’a tenté de résoudre à ce point la contradiction inévitable à vouloir faire de l’œuvre d’art - par nature, objet de contemplation, sinon de délectation et donc distancié du regardeur - un outil de transformation et un moyen d’action direct sur le monde. Réfléchir sur son apport à l’art contemporain amène en rebours à prendre conscience du champ étroitement marqué dans lequel souvent celui-ci fructifie.
Au mot « Art », il préfère substituer le concept de création permanente. Il se méfie de tout formalisme et son utilisation de matériaux abandonnés lui permet la plus complète indépendance.
Sa première exposition personnelle à Paris, en 1966 à la galerie Jacqueline-Ranson, porte comme titre Exposition intuitive et comme sous-titre ironique « avec matériaux et sans matériau, presque ». Il y expose des agrandissements fac-similés de télégrammes sur chacun desquels est fixé un objet (scie, marteau, etc.) marquant à la fois sa dette envers Marcel Duchamp et ce qui peut l’en séparer. Sa méfiance par rapport aux significations recouvertes par les mots se trouve d’ailleurs inscrite dans les petites pièces de théâtre écrites dès la fin des années cinquante.
Parmi ses premières œuvres, l’Etude d’acheminement de poèmes en petite vitesse, qui propose l’envoi par la poste de poèmes-objets, ou La Sémantique générale, un alphabet illustré, s’ouvrent sur un territoire original s’étendant entre objets, action et poésie.
Si sa participation au mouvement Fluxus reste limitée, son œuvre ultérieure en incarne tout l’esprit. De l’Autrisme (« quoi que tu fasses, fais autre chose ») au Principe d’équivalence (entre le « Bien-fait », le « Mal-fait » et le « Pas-fait »), de la Création permanente au Territoire de la République géniale, l’art est pour lui l’instrument d’une utopie sociale, valorisant la création dans la vie quotidienne.
En exposant Filliou, le musée devient le témoin à charge et à décharge de la possibilité d’ouvrir le champ de l’art. Il doit assumer une responsabilité de déplacements des limites, connues et inconnues, perceptibles ou devinées, du regardeur. « Comme artistes, nous apportons des éléments qui sont incompatibles parfois avec les exigences objectives et subjectives de la réalité : le désir du cœur », dit Filliou. L’art est ici un appel à la sensibilité et à l’intelligence, non en ce qu’elles contiennent de complaisance, mais en ce qu’elles exigent de retournement sur soi.
D’après Paul-Hervé Parsy, « Histoires de Filliou » in catalogue de l’exposition
Quand
tous les jours sauf mardis