L'ensemble monumental de Târgu Jiu
1938
Constantin Brancusi
Toute sa vie, Brancusi exprime son désir de réaliser des œuvres à grande échelle.
En 1926, lors de son premier séjour à New York, il souhaite élever La Colonne sans fin au cœur même de Central Park. La même année, il veut réaliser un Oiseau dans l’espace de trois mètres de haut pour la villa de Charles de Noailles. Mais ces projets se heurtent à des problèmes techniques et à son intransigeance quant à la qualité des matériaux utilisés.
Au début des années 30, il accepte, à la demande du Maharajah d’Indore, de concevoir un Temple de la Délivrance ou de la Méditation. Le projet comporte une unique pièce reprenant la forme ovoïde pure du commencement du monde avec, en son centre, un plan d’eau autour duquel devaient être placés trois Oiseaux dans l’espace achetés à Brancusi par le Maharajah. Les trois versions de L’Oiseau, en marbre blanc, en marbre noir et en bronze poli, devaient être éclairées par des ouvertures zénithales, inscrivant le rythme cosmique du soleil à la surface des matériaux. Un souterrain devait permettre l’accès d’une seule personne à l’intérieur de cette forme cosmogonique. Ce projet ne fut jamais réalisé.
Finalement, la seule œuvre monumentale achevée est l’ensemble de Târgu Jiu en Roumanie, érigé à la mémoire des soldats morts durant la Première Guerre mondiale, sur l’axe de l’Avenue des Héros près du village natal de Brancusi. Ce monument, composé de trois éléments, reprend les principaux thèmes de son œuvre.
- Le premier, La Table du silence, est constitué d’une table en pierre, ronde et basse, entourée de douze tabourets en forme de clepsydre.
- Le second, La Porte du Baiser – on y accède par une allée qui longe un jardin public –, d’une hauteur de cinq mètres, six de large et deux de profondeur, reprend le thème du Baiser mûri durant trente ans. Les deux êtres de la sculpture initiale sont gravés sur toute la longueur du linteau de la porte, tandis que les deux piliers ne retiennent que les yeux accolés du couple, devenus une double forme ronde parfaitement concentrique et fendue dans son milieu.
- En suivant l’axe sur lequel se trouvent La Table du silence et La Porte du Baiser, on parvient au troisième élément, La Colonne sans fin, qui, avec ses vingt-neuf mètres de hauteur, achève l’alignement de l’ensemble.
Pour Brancusi, une œuvre monumentale ne peut être liée à un simple changement d’échelle. Avec l’ensemble de Târgu Jiu, il modifie la notion de monument qui ne s’impose plus par ses caractéristiques formelles autonomes mais par la relation que les sculptures entretiennent les unes avec les autres, avec leur environnement et le déplacement du corps du spectateur.
L’unité spirituelle entre les œuvres de Târgu Jiu existait déjà dans l’atelier. Il a gravé le motif du Baiser sur des socles et, dès les années dix, construit une Colonne du Baiser en plâtre, surmontée d’un chapiteau. Il a taillé plusieurs variantes de La Colonne sans fin. Les clepsydres de La Table du silence, elles aussi, sont issues des socles de l’atelier.
Pour aller plus loin
Brancusi et l'ensemble de Târgu Jiu dans la collection du Centre Pompidou