L'atelier Brancusi
Constantin Brancusi
Une œuvre d’art à part entière
Dès les années 1910, en disposant des sculptures dans une étroite relation spatiale, Brancusi crée au sein de son atelier des œuvres nouvelles qu’il nomme « groupes mobiles », signifiant ainsi l’importance du lien des œuvres entre elles et les possibilités de mobilité de chacune au sein de l’ensemble.
En 1922, Brancusi n’a pu se rendre à New York pour l’exposition « Exhibition Contemporary French Art » où 21 de ses sculptures sont exposées. Des photographies de la présentation de ses œuvres lui sont envoyées. Disposées contre les murs et mélangées à celles d’autres artistes, elles lui apparaissent comme des objets inertes tant elles ont perdu leur capacité d’expansion dans l’espace. Cet incident le conforte dans l’idée que l’atelier est un espace privilégié pour l’élaboration et la perception de ses sculptures.
À partir des années 1920, l’atelier devient le lieu de présentation de son travail et une œuvre d’art à part entière, un corps constitué de cellules qui se génèrent les unes les autres. Cette expérience du regard à l’intérieur de l’atelier vers chacune des sculptures pour constituer un ensemble de relations spatiales conduit Brancusi à remanier quotidiennement leur place pour parvenir à l’unité qui lui parait la plus juste.
À la fin de sa vie, Brancusi ne produit plus de sculptures pour se concentrer sur leur seule relation au sein de l’atelier. Cette proximité devient si essentielle, que l’artiste ne souhaite plus exposer et, quand il vend une œuvre, il la remplace par son tirage en plâtre pour ne pas perdre l’unité de l’ensemble.
Le rôle du socle
Les photographies prises au sein de l’atelier montrent que les socles n’étaient pas assignés à telle ou telle sculpture, mais déplacés d’une sculpture à une autre, au rythme des relations entre les œuvres que l’artiste modifiait presque quotidiennement.
De fait, le socle ne se présente pas comme un support, il est un élément à part entière. Brancusi peut même les considérer comme des œuvres. En 1926, lors d’une exposition à la Brummer Gallery de New York, il en expose cinq, isolés, sans leur superposer de sculpture.
Pourtant, il est possible de repérer des différences formelles – distinction faite par Brancusi lui-même – qui donne aux sculptures une dimension symbolique liée à l’animal ou à l’humain, et aux socles une dimension symbolique plus universelle, inspirée des rythmes et des formes de la nature.
En même temps, aucune séparation n’apparaît, et un même paramètre les réunit : la verticalité. Le socle, de par ses formes simples et abstraites qui se répètent, prolonge une énergie venue de la Terre. Avec La Colonne sans fin, socle et sculpture se mêlent intimement.
La reconstitution de l'atelier par Renzo Piano
À partir de 1916 et jusqu’à sa mort en 1957, Constantin Brancusi occupe des ateliers successivement au 8 puis au 11 de l’impasse Ronsin dans le 15e arrondissement de Paris. Situé près de Montparnasse, l’atelier est attenant à d’autres ateliers entourés de petites ruelles qui lui donnent un caractère privé et intime.
Au 11 de l’impasse Ronsin, Brancusi occupe deux puis trois ateliers dont il abat les cloisons pour former les deux premières pièces dans lesquelles il expose son travail. En 1936 et en 1941, il y ajoute deux autres espaces contigus, qu’il utilise pour les œuvres en cours, y disposant son établi et ses outils.
En 1956, il lègue la totalité de son atelier (œuvres achevées, ébauches, meubles, outils, bibliothèque, discothèque, photographies…) à l’État français, sous réserve que celui-ci s’engage à le reconstituer tel qu’il se présentera à la mort de l’artiste. Après une première reconstitution partielle en 1962 à l’intérieur de la collection du Musée national d'art moderne, alors installé dans le Palais de Tokyo, sa réplique exacte est réalisée en 1977, face au Centre Georges Pompidou. À la suite d’inondations, en 1990, celle-ci est fermée au public.
L’actuelle reconstitution, édifiée par l’architecte Renzo Piano, se présente comme un espace muséal dans lequel est inséré l’atelier.
La difficulté pour Renzo Piano était de faire de cet espace un lieu ouvert au public, tout en respectant les volontés de l’artiste. Si l’architecte n’a pas tenté de retrouver l’intimité de l’impasse Ronsin, il a préservé l’idée d’un lieu protégé et intériorisé, dans lequel le spectateur est isolé de la rue et de la piazza.
Depuis l’entrée, le visiteur trouve à sa gauche un jardin clos, d’où une partie de l’atelier est visible à travers une paroi vitrée. Cet espace vert favorise une transition entre l’espace public et le passage couvert qui entoure l’atelier et que le visiteur peut parcourir. Dans ce passage sont aménagées de grandes baies vitrées qui permettent la découverte des œuvres.
La lumière, essentielle à la réalisation comme à la perception de l’œuvre de Brancusi, est ici repensée et reconditionnée pour évoquer le plus fidèlement celle de l’atelier d’origine.
Dans le cadre des travaux de rénovation du Centre Pompidou, l'ensemble des œuvres présentées dans l'Atelier Brancusi a réintégré le Musée et ses réserves.
Le bâtiment renommé Pavillon Brancusi accueille désormais des expositions temporaires.
À sa réouverture en 2030, il sera réaménagé en centre de recherche et de ressources du Centre Pompidou, abritant la Bibliothèque Kandinsky et le Service des archives.