Focus sur... « New York City » de Piet Mondrian
À New York, le gigantisme architectural, l'urbanisme orthogonal et la circulation effrénée ont un impact fort sur les artistes européens exilés, comme Piet Mondrian qui y débarque en 1940. New York City appartient à une série de quatre peintures réalisées par l'artiste entre 1941 et 1942. Deux d’entre elles, New York City 1 (conservée au Kunstsammlung de Düsseldorf) et New York City 2 (SFMoMa, San Francisco), qui portent encore leurs bandes de papier coloré, sont considérées comme inachevées. Celle de la collection du Centre Pompidou, la seule à être jugée achevée, et New York City 3 (Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid) sont peintes à l’huile.
L’organisation spatiale de New York City repose sur ce système binaire (dessus/dessous) de tissage de trois grilles peintes (quinze lignes jaunes, quatre bleues et quatre rouges), dont le calibrage d’une largeur identique et égale à l’épaisseur du châssis, accentue la planéité de la composition. Les différences de couleur et de disposition des lignes croisées, qui reprennent la dialectique néoplasticiste identité/différence, exaltent le dynamisme optique de la structure, redevable à l’éclairage électrique new-yorkais, comme au rythme syncopé du boogie-woogie qui inspira ses dernières œuvres, tel Broadway Boogie-Woogie (1942-1943, New York, MoMA). La toile, travaillée à plat sur une table, mais faite pour être vue redressée, a été comparée par la journaliste et artiste Charmion von Wiegand, spectatrice de sa réalisation, « au rythme géométrique de la circulation de la ville », sorte de métaphore de New York.
La toile, travaillée à plat sur une table mais faite pour être vue redressée, a été comparée au rythme géométrique de la circulation de la ville, sorte de métaphore de New York.
Le tableau, photographié en octobre 1941 par Emery Muscetra, dans l’atelier de la 52e rue, a été montré pour la première fois à New York dans l’exposition « Mondrian » de la Valentine Gallery, en 1942. Il est caractéristique des dernières recherches de l’artiste, qui s’appuient sur une technique préparatoire de tressage de bandes colorées de papier, superposées sur la toile qui constitue un tramage tactile, en épaisseur, définissant « une profondeur plate » selon l'historien de l'art Yve-Alain Bois, et ordonne des compositions répétitives, symétriques mais vibrantes, et un espace all over, dense, homogène mais lumineux.
Le choc de sa magnétique puissance visuelle, décuplée par l’éblouissement provoqué par la densité du jaune et le format exceptionnel de la toile, traduit magnifiquement « la nouvelle énergie » que Fernand Léger trouva, lui aussi, lors de son arrivée en 1940 à New York, ville qu’il avait saluée comme « le plus colossal spectacle du monde », qui se reflète également dans l’intensité de couleur et de mouvement de son œuvre américaine.
Passé, à la mort de Mondrian, dans les mains de son héritier, Harry Holtzman, New York City a été acquis par Sidney Janis, le propriétaire de la plupart des derniers chefs-d’œuvre de l’artiste, dont la postérité sera fondamentale pour l’art du 20e siècle, avant de rejoindre la collection du Centre Pompidou en 1984. ◼
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007
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Piet Mondrian (Pieter-Cornelis Mondriaan, dit), New York City (1942)
Huile sur toile, 119,3 x 114,2 cm
© Centre Pompidou