Cuadrado tabaco y vibracion
2004
Cuadrado tabaco y vibracion
2004
Domain | Oeuvre en 3 dimensions |
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Techniques | Peinture acrylique sur bois et métal peint |
Dimensions | 102 x 102 x 17 cm |
Acquisition | Dation, 2011 |
Inventory no. | AM 2012-119 |
Detailed description
Artist |
Jesús Rafael Soto
(1923, Venezuela - 2005, France) |
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Main title | Cuadrado tabaco y vibracion |
Creation date | 2004 |
Domain | Oeuvre en 3 dimensions |
Techniques | Peinture acrylique sur bois et métal peint |
Dimensions | 102 x 102 x 17 cm |
Acquisition | Dation, 2011 |
Collection area | Arts Plastiques - Contemporain |
Inventory no. | AM 2012-119 |
Analysis
Son désir de produire des situations vibratoires réelles, phénoménologiques, entraîne Soto à aborder l’espace en 1953 – ainsi dans Sans titre (Deux carrés dans l’espace) – en multipliant la surface picturale grâce à un ou plusieurs plans transparents en Plexiglas. Il s’agit en quelque sorte de produire vers l’extérieur de l’œuvre ces nombreux plans qui pénètrent métaphoriquement vers l’intérieur de la toile dans la peinture représentative. Cette peinture ainsi spatialisée nous présente des séries répétitives de lignes et de points. Suivant en cela les expériences concrètes et les nouvelles théories musicales, Soto conçoit pour sa peinture une sorte de machinerie plastique capable de mettre en jeu, sans les imiter cependant, des réalités, des phénomènes plastiques. L’objectif est clair : produire des interférences optiques d’où jaillissent des effets lumineux inattendus. Ces effets surgissent alors de la peinture, tout comme en biologie on parle des propriétés émergentes, c’est-à-dire de celles qui émergent au sein de structures complexes formées d’éléments simples.
Après cinq ans de travail sur le Plexiglas, le public croit découvrir dans ce matériau une valeur esthétique en soi, ce que Soto élude systématiquement, car son intention est tout autre. Il ne cherche pas à créer des structures belles, ou harmonieuses, mais des objets capables de réveiller la réflexion du spectateur sur ce qu’il considère être l’essence immatérielle de l’univers. Il décide alors d’explorer d’autres solutions techniques lui permettant de superposer ses trames de lignes parallèles, sans passer par le Plexiglas. Cela aboutit, en 1957, à la superposition d’éléments métalliques sur fond tramé. Il découvre alors que ces structures formées de barres métalliques opaques, posées sur des fonds également opaques, émettent cependant un effet de brillance similaire à celui du Plexiglas, tout particulièrement lorsque les trames sont formées de lignes parallèles. L’efficacité de cette machinerie plastique servant à transformer optiquement en lumière un corps matériel rend l’artiste euphorique. Il décide alors de se prouver à lui-même qu’il est possible de « dématérialiser » toutes sortes d’éléments, de transformer en lumière la matière opaque. Débute alors sa période dite « baroque » (1957-1962), caractérisée par la présence riche et sensuelle de toutes sortes de matériaux, ainsi que par des contrastes entre les zones opaques et celles que le déplacement des spectateurs fait vibrer.
C’est en cette période de généreuse abondance, d’effets « baroques », que naît un élément dont la multiplication systématique produira une nouvelle famille : les tés vibrants. Une petite pièce sans titre de 1961 présente en effet deux clous soudés en forme de tés et incrustés sur un morceau de bois déjà ancien. Un an plus tard, lorsque Soto décide de se concentrer sur des formes plus élémentaires, ces deux clous évoluent vers un simple té de lignes droites. Reproduits systématiquement à intervalles réguliers sur la surface picturale, ces tés engendrent des œuvres comme le Grand carré cadmio de 1984, où une superficie brillante, une sorte de champ de lumière, semble flotter et vibrer lorsque nous nous déplaçons devant elle. Peu de pièces sont aussi efficaces lorsqu’il s’agit de matérialiser ce type de champs énergétiques aux reflets subtils, sortes d’aurores boréales miniatures attrapées par la peinture. C’est peut-être pour cela justement que Soto a exploité le pouvoir de la couleur, afin, en quelque sorte, de peindre sur elles. Naît alors sur cette superficie brillante un cadre cadmium, si subtil et aérien qu’il en devient immatériel. Si les petits tés de métal, le bois sur lequel ils s’insèrent et la trame du fond sont réels, et font partie du corps matériel de la pièce, ce carré apparaît aux yeux de Soto comme une forme virtuelle, émergeant par le simple effet de la couleur, par cet accent qu’il a introduit dans l’œuvre.
Cuadrado tabaco y vibración, de 2004, appartient déjà à une évolution postérieure, lorsque Soto, dans les années 1980, commence à croiser ses différentes familles formelles, comme ici les carrés et les tés vibrants. De ce contraste surgissent alors de nouvelles situations, d’autres manières d’exprimer la fascination qui est la sienne pour les concepts modernes de la matière, de l’énergie, de l’espace-temps. Ce carré de couleur brique que nous voyons dans la partie inférieure semble s’être déplacé depuis le haut, en laissant une lueur dans cet espace saturé d’énergie qui nous enveloppe et dans lequel nous vivons – souligne l’artiste – « comme le poisson dans l’eau ». Il faut cependant se déplacer devant ces œuvres, en trouver le tempo spécifique afin que cette vibration optique se manifeste, pour ensuite les animer « cérébralement », comme le disait Apollinaire du cubisme. C’est seulement à cette condition que ces œuvres qui ne semblent être qu’un effet superficiel, optique et rétinien, se muent en puissance, en suggestion, en une sorte de métaphore abstraite de l’univers – une nouvelle forme d’allégorie.
Ariel Jiménez
Source :
Extrait du catalogue Soto, Collection du Centre Pompidou - Musée national d'art moderne, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 2013
Bibliography
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