Courbes immatérielles jaunes
1979
Courbes immatérielles jaunes
1979
Domain | Peinture |
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Techniques | Peinture acrylique sur bois, métal peint, fils de Nylon |
Dimensions | 253 x 429 cm |
Acquisition | Dation, 2011 |
Inventory no. | AM 2012-112 |
Detailed description
Artist |
Jesús Rafael Soto
(1923, Venezuela - 2005, France) |
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Main title | Courbes immatérielles jaunes |
Creation date | 1979 |
Domain | Peinture |
Techniques | Peinture acrylique sur bois, métal peint, fils de Nylon |
Dimensions | 253 x 429 cm |
Acquisition | Dation, 2011 |
Collection area | Arts Plastiques - Contemporain |
Inventory no. | AM 2012-112 |
Analysis
Les années 1970 sont pour Soto une période d’intense activité. En effet, non seulement il est amené à répondre à de nombreuses commandes pour des œuvres intégrées à l’architecture, en France, en Allemagne, en Suisse, au Venezuela, notamment, mais en outre il réalise à nouveau, en vue de ses expositions, des séries de Vibrations telles qu’il les avait conçues au cours des années 1960, c’est-à-dire à partir de tiges suspendues devant des fonds striés horizontalement en blanc sur noir ou en noir sur blanc.
Par ailleurs, tirant parti des expériences réalisées sur les Pénétrables, les Extensions, les Progressions et les Volumes suspendus produits à la fin de ces mêmes années, il accorde désormais à la couleur une place essentielle dans ses travaux. Ainsi naissent, vers 1972-1974, des œuvres où le regard du spectateur, glissant le long des éléments qui les composent, part à la recherche des couleurs et des formes que Soto y a insérées.
Cuadrado virtual cobalto, 1979, appartient ainsi à une série où des carrés monochromes (blanc, olive, rose, vert…) se discernent progressivement au fur et à mesure que le regard opère son travail de sélection. Ici, le carré d’un bleu de cobalt profond est bien virtuel, au sens où Soto l’entend : il n’existe qu’à l’état potentiel, et n’apparaît que lorsque le spectateur le reconstitue optiquement en discernant la partie des tiges peinte en couleur au centre de l’œuvre. Comme l’écrit Gilles Plazy en 1983 : « C’est par la couleur que Soto a pris conscience de l’ambiguïté de l’espace, de l’interaction des plans. Cependant on a mieux vu jusqu’à aujourd’hui le travail qu’il a fait sur les structures et on a minimisé l’importance de la couleur dans la recherche. Parce que les problèmes formels étaient plus évidents dans son travail et qu’il n’utilisait la couleur qu’avec parcimonie – le plus souvent dans la monochromie1. »
Cube bleu interne, 1976, est, pour sa part, non plus une surface mais un véritable volume virtuel à petite échelle, constitué de fines tiges bleues émergeant du socle dans lequel elles sont plantées. Né des installations de l’artiste associant tiges montantes et tiges descendantes (comme, par exemple, sur la place de Furstenberg, à Paris, en 1968), il s’apparente aussi aux Extensions que Soto réalise dans ses expositions à partir de 1969. Mais, comme celui-ci l’explique lui-même en 1999 à Daniel Abadie, cette conquête de la troisième dimension n’est en rien une incursion dans un domaine – celui de la sculpture – qui n’est pas le sien2. C’est une autre conquête que Soto entreprend : celle d’une troisième dimension, définie par la seule circulation du regard à l’intérieur même de l’espace coloré.
La création d’un espace ambigu par l’intervention de la couleur est également sensible dans une œuvre plus tardive comme Courbes immatérielles jaunes, réalisée en 1979 à l’occasion de l’exposition « Soto » au Centre Pompidou. En effet, dans ce polyptique, qui appartient à une série commencée vers 1973, les tiges peintes avec un jaune très éclairci sont confrontées à des fonds si finement striés qu’ils en apparaissent presque blancs lorsqu’on s’éloigne. Dans ce contexte, la couleur, qui se trouve presque à la limite de l’assimilation aux fonds striés, devient un facteur particulièrement actif dans la création d’un univers spatial flou, en vibration permanente, optiquement incontrôlable.
Décrivant cet univers en 1997, Roberto Guevara remarque : « Le sens de la localisation des éléments est complètement annulé ainsi que leur couleur, leur lumière, et nous nous trouvons devant un espace flottant, une énergie radiante, une réalité vibrante et qui se dématérialise3. » C’est précisément l’objectif de Soto au cours de ces années où sa réflexion sur l’espace s’enrichit du parallèle qu’il fait avec les découvertes de la science fondamentale. En 1997, lors de l’exposition « Soto » à la Galerie nationale du Jeu de paume, Plazy note ainsi : « Soto dit clairement que, pour lui, l’œuvre n’est pas que matière, qu’elle est irréductible à sa matérialité […] : l’important, ce n’est pas la matière, l’objet fini, c’est l’énergie dont elle n’est qu’une cristallisation – et l’énergie est espace. Car l’espace n’est pas simplement quelque scène sur laquelle se jouerait le jeu des formes, il est un acteur autant que lieu de l’action, il est l’action même puisqu’il est énergie4. »
Jean-Paul Ameline
Notes :
1. Gilles Plazy, « Soto », Cimaise [Paris], no 162-163, janvier février-mars 1983, p. 56.
2. « Revenir à la surface plane est pour moi très difficile, c’est pourquoi j’introduis toujours un élément de volume qui rapproche mon œuvre de la sculpture. La différence par rapport à celle-ci est que mon travail est le contraire d’une masse solide ou opaque ; c’est la circulation du regard – ou du spectateur pour les Pénétrables – dans cet espace fluide qui m’intéresse particulièrement » (« Éloge de la vibration. Interview de Jesús Rafael Soto par Daniel Abadie », Jesús Rafael Soto, cat. expo., Bruxelles, Banque Bruxelles Lambert, 1999, p. 10).
3. Roberto Guevara, « Jesús Rafael Soto : l’énergie comme réalité », Art Press [Paris], no 220, janvier 1997, p. 38.
4. Gilles Plazy, « Quand Soto joue dans l’espace », Cimaise [Paris], no 245, janvier-février-mars 1997, tiré à part édité par la galerie Denise René, p. 8.
Source :
Extrait du catalogue Soto, Collection du Centre Pompidou - Musée national d'art moderne, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 2013
Bibliography
Jesus Rafael Soto dans les collections du Centre Pompidou, Musée national d''art moderne : Paris, Centre Pompidou, Galerie du Musée, 27 février-20 mai 2013.- Paris: Centre Pompidou, 2013 (cat. n° 18, cit. p. 75, 115, repr. coul. p. 76-77) . N° isbn 978-2894426-594-4
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