Cinema
Tariq Teguia
Films et rencontres

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A l’occasion de la sortie de son dernier film Révolution Zendj, récompensé du Grand Prix du Festival de Belfort 2013, le cinéaste phare de l’Algérie contemporaine Tariq Teguia est l’invité du Centre Pompidou. Si on a pu découvrir en salles ses deux premiers longs métrages Rome plutôt que vous (2006) et Inland (2008), on connaît moins les films courts qui les ont précédés et qui déjà nous plongeaient au cœur de la société algérienne.
Une semaine durant, ce « géographe » du cinéma politique, présentera l’ensemble de ses films dont un court métrage inédit commandé par le Centre Pompidou : « Où en êtes-vous, Tariq Teguia ? »
SYLVIE PRAS – Vous avez étudié la photographie et l’avez pratiquée. À quelle nécessité a répondu un jour le cinéma ?
TARIQ TEGUIA – Le cinéma est arrivé pendant mes études. Je travaillais alors sur les photographies et le cinéma de Robert Frank avec une question : comment construire des « fictions cartographiques » ? Il s’agit d’un entrelacement, sans début ni fin, sans doute de même nature que celui de quelques-uns des cinéastes de la Nouvelle Vague qui ont commencé critiques avant de se décider à faire des films. Commenter un film était seulement une autre manière de « faire du cinéma ». Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant qu’à présent il fallait tourner à mon tour, que la théorie était derrière moi. Il n’y a pas de limite claire entre la tentative de formuler des concepts, de proposer une lecture d’une œuvre et la recherche de formes à travers un film. J’en suis encore là, à tenter de mêler dans un même élan fond et forme, idées et sensations.
SP – Vos films témoignent de l’immobilisme et de l’asphyxie de la société algérienne en même temps que de ses désirs et de sa rage de vivre. Comment avez-vous travaillé pour rendre compte de ces tensions ?
TG –Révolution Zendj n’a jamais prétendu être une fiction des révolutions que vit le monde arabe. Le scénario a été écrit – avec mon frère Yacine – en 2009. Le tournage a commencé le 17 novembre 2010, quelques semaines avant que ne débute la Révolution tunisienne. Cette anticipation ne fait pas de nous des devins, elle suggère seulement qu’une partie du travail d’un cinéaste consiste à être attentif aux événements, à ce qui arrive et devient. Des choses ont été vues, perçues, souvent de manière confuse, au cours de voyages en Égypte, au Liban, en Syrie, en Grèce, etc., pour accompagner Inland. Un scénario en est né, puis – après d’autres voyages encore – une réécriture, et enfin un film. Retravaillé et réévalué pendant trois ans. Un processus long et difficile.
SP – Qu’est-ce qui a imprimé un mouvement, une telle cartographie à vos films ?
TG –Inland reconnectait l’Algérie à son continent, l’Afrique, en renversant la courbe de la migration, de la fuite esquissée dans Rome plutôt que vous. Révolution Zendj devait étendre la carte que j’avais commencé à dessiner dès les premiers courts métrages, dessein poursuivi dans Rome plutôt que vous car l’une des questions que je ne cesse de reposer film après film est « Où ? ». Où vivre, où se battre, où aimer ? Où et comment ? L’Algérie appartenant à plusieurs espaces géographiques et politiques – l’Afrique, la Méditerranée, le monde arabe –, nous nous sommes demandé avec Yacine comment elle devait le faire. Le terrain des luttes en cours, ici et ailleurs, était un point de départ possible. Et ces luttes – en Algérie, au Liban, en Grèce… – sont connectées les unes aux autres, elles sont les réponses nécessaires, fragiles et obstinées à ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation, soit le capital et ses forces considérables.
FILMOGRAPHIE
1993 Kech’mouvement ?, court métrage
1996 Le Chien, court métrage (introuvable)
1998 Ferrailles d’attente, court métrage
2003 La Clôture (Haçla), court métrage
2006 Rome plutôt que vous (Roma wa la n’touma)
2008 Inland (Gabbla)
2013 Venice 70, Future Reloaded’s part : Le Cinéma, demain, court métrage
2013 Révolution Zendj (Thawra Zanj)
When
every days except tuesdays