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Werner Herzog, cinéaste de l'absolu

Le Centre Pompidou poursuit son exloration de l’œuvre unique et protéiforme de Werner Herzog et propose une plongée dans les films, fictions et documentaires réalisés par le maître du cinéma allemand depuis les années 2010 jusqu'à aujourd'hui. Une filmographie tardive, mais d’une modernité intacte et d’une vitalité contagieuse. Présentation.

± 4 min

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n 2009, le Centre Pompidou consacrait à l’œuvre unique et protéiforme de Werner Herzog une rétrospective intégrale en cinquante-cinq films. Cette année, une nouvelle invitation au maître du cinéma allemand contemporain est l’occasion de poursuivre avec des films, fictions et documentaires, qu’il a réalisés depuis. Sont montrés : La Grotte des rêves perdus (2010), à l’occasion de l’anniversaire des trente ans de la découverte de la grotte Chauvet (film d’ouverture) ; deux longs métrages de fiction, Bad Lieutenant : Escale à La Nouvelle-Orléans (2010), avec Nicolas Cage et Eva Mendes, et Dans l’œil d’un tueur (2009), avec Michael Shannon ; quatre documentaires, Into the Abyss (2011), Rendez-vous avec Gorbatchev (2018), Le Nomade : sur les traces de Bruce Chatwin (2019) et, en avant-première de sa sortie en salle le 18 décembre 2024, le nouveau film d’Herzog, Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft (2022).

Cette filmographie tardive, d’une modernité intacte et d’une vitalité contagieuse, est étonnante par la pluralité de ses formats et de ses économies de production. Elle dévoile de nouvelles facettes de la personnalité hors normes de ce cinéaste de l’absolu, et questionne la place particulière que sa grande silhouette tient désormais dans l’imaginaire commun, à la façon d’un Jacques Tati chaussé pour la randonnée, dont la « voix si singulière [est] à la fois celle d’un prêcheur qui exalte et d’un matérialiste qui refroidit », selon Hervé Aubron, critique aux Cahiers du Cinéma.

 

Ces dernières années, Werner Herzog a su redoubler son immense curiosité pour le monde d’une réflexion sur la place qu’il y occupe lui-même. « Concentrer ma pensée sur moi m’a conduit à une découverte : le reste du monde rime » écrivait-il ainsi déjà dans son Journal de marche en 1974.

 

Ces dernières années, Werner Herzog a su redoubler son immense curiosité pour le monde d’une réflexion sur la place qu’il y occupe lui-même. « Concentrer ma pensée sur moi m’a conduit à une découverte : le reste du monde rime » écrivait-il ainsi déjà dans son Journal de marche en 1974. Son inclination pour une nature à la puissance effroyable, dont il s’agit d’admirer la complexité en refusant toute fétichisation ou, selon ses mots, toute « disneyisation » du vivant, s’est creusée d’une forme de nostalgie enfantine et d’introspection métaphysique. Aussi les puissances de la nature voisinent-elles toujours chez Werner Herzog avec la possibilité de la mort, dont l’art et le cinéma voudraient conjurer ou contester l’horizon. Si la mort — celle des compagnons de route comme Bruce Chatwin (Le Nomade), des mères (Dans l’œil d’un tueur), des femmes qui sont la patrie, ou l’inverse (Rendez-vous avec Gorbatchev), des condamnés (Into the Abyss) et des fous (Au cœur des volcans) est omniprésente dans les derniers films, elle s’accompagne d’une attention d’entomologiste à tous les signes d’art, et de vie, à toutes ces marques inscrites surtout hors de la culture institutionalisée : l’art pariétal des grottes, les songlines aborigènes, les images amateurs des passionnés de volcans, tout ce qui survit et qui existe après nous, pour peu qu’on y prête attention et qu’on le préserve.

 

Aussi les puissances de la nature voisinent-elles toujours chez Werner Herzog avec la possibilité de la mort, dont l’art et le cinéma voudraient conjurer ou contester l’horizon.

 

L’histoire a déjà été maintes fois contée, en marchant de Munich à Paris en 1974, Werner Herzog sauva l’historienne du cinéma Lotte Eisner d’une mort annoncée. On sait moins que dix ans plus tard, cette dernière l’appela pour l’exhorter à lever le sortilège la condamnant à la vie, et mourut, délivrée, quelques jours plus tard. Plus important que la véracité de cette histoire, son récit, ainsi que les livres et les films de Werner Herzog nous donnent une nouvelle clef de sa vérité extatique : faire vivre les histoires, jouer un rôle de passeur dans leur propagation apporte un surplus de vérité à nos existences. ◼