Nature morte
1922
Nature morte
1922
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 65 x 81 cm |
Acquisition | Don de l'artiste, 1955 |
N° d'inventaire | AM 3345 P |
Informations détaillées
Artiste |
Le Corbusier (Charles-Edouard Jeanneret, dit)
(1887, Suisse - 1965, France) |
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Titre principal | Nature morte |
Titre attribué | Nature morte "l'Effort Moderne" ; Nature morte Léonce Rosenberg |
Date de création | 1922 |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 65 x 81 cm |
Inscriptions | S.B.DR. : jeanneret |
Acquisition | Don de l'artiste, 1955 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 3345 P |
Analyse
Avec la peinture La Cheminée , qui porte la mention « ceci est mon premier tableau puriste, octobre 1918 », Le Corbusier signe son engagement dans une recherche picturale presque exclusive, qui, jusqu’en 1925, affirme une intense collaboration avec Amédée Ozenfant. Dès 1916, celui-ci, avec ses « Notes sur le cubisme », parues dans la revue L’Élan , avait jeté les bases d’un art de la réduction, qui cherchait à « nettoyer la langue plastique de ses termes superflus ». On retrouve la grammaire de la nature morte cubiste, mais qui tente d’échapper à toute intention subjective dans l’ordre de la composition. La Nature morte de l’Effort moderne (cat. rais I, n° 25) s’inscrit dans une série formelle d’œuvres très similaires, aussi bien de la main de Le Corbusier, telle La Nature morte à la cruche blanche sur fond bleu (1919-1920), que de celle d’Ozenfant comme la Nature morte de 1920. Ainsi que le souligne l’article « Le purisme », publié dans L’Esprit nouveau en 1921, le tableau est l’association d’éléments épurés, associés, architecturés. Une peinture ne doit pas être un fragment, elle est un entier. Le tableau n’est pas une surface ; il définit un espace ouvert à une construction. Les « objets types » de la nature morte font directement référence à la perfection des objets standardisés produits en série, à la culture industrielle du machinisme. Ils ne sont plus des références, des représentations du réel, mais de purs référents identitaires qui s’agencent selon une construction rationnelle, entièrement déterminée par des tracés régulateurs, eux-mêmes conditionnés par le choix d’un format déterminé et standardisé de la toile. Une lanterne, deux bouteilles, un verre, une guitare, une pipe, un élément de mouluration ; la nature morte, qui s’inscrit alors dans une recherche sur la forme et la sérialité, cherche à dénaturaliser le sujet de la peinture et ce, par une atténuation de plus en plus affirmée de la profondeur spatiale, une fausse axonométrie qui verticalise les objets pour les ramener à une directe frontalité. La peinture se fond en une architecture et, comme dans la Nature morte à la pile d’assiette et au livre (1920), le col d’une bouteille prend l’aspect d’une cheminée industrielle, les formes circulaires suggèrent les bouches d’aération d’un paquebot, un verre cannelé est une colonne dorique. Le tableau installe un espace et non plus une surface. Après les phases successives de la recherche, scandées par les expositions (en 1918 à la galerie Thomas, puis en 1921 à la galerie Druet, puis celles de 1922 et 1923 à la galerie de L’Effort moderne de Léonce Rosenberg), mais aussi par les textes manifestes publiés dans L’Esprit nouveau – « Sur la plastique » (1920) puis « Le purisme » (1921) – les invariants de la composition, le vocabulaire platonicien des solides géométriques semblent se lier les uns aux autres par leurs contours communs. L’exploitation des effets de transparence organise les objets en des formes qui ne sont plus simplement juxtaposées, mais qui se superposent en un entrelacement continu. L’énigmatique cube blanc de la peinture La Cheminée , qui s’était transmué en une lanterne aux plans biseautés surmontés d’un court cylindre dans la Composition à la lanterne et à la guitare (1920), réapparaît et charpente la toile d’horizontales et de verticales tout en créant une ouverture, telle une porte à l’arrière du tableau. Les couleurs de la « Grande gamme » se sont enrichies et la Nature morte de L’Effort moderne semble accomplir un équilibre entre une inflexible volonté de rationalisation formelle et un appel au sensible, à une perception physiologique des formes et des couleurs qui, fondée sur les lois du monde sensible, accompagne les recherches alors contemporaines de la phénoménologie.
Frédéric Migayrou
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007