Opus 15C

Peintre d’origine suisse, Schneider s’installe à Paris en 1916, pour suivre les cours de l’École des Beaux-Arts, avant de s’y installer définitivement en 1922. D’abord inspiré par les natures mortes de Cézanne, il aborde dès 1934 la peinture gestuelle. Dix ans plus tard, une première série de « Compositions » ( Composition , 1944, AM 2869 P, acquise en 1946) le montre engagé dans une abstraction gestuelle libérée de toute référence figurative. Avec Hans Hartung et Pierre Soulages, il devient l’un des représentants majeurs de l’abstraction lyrique française, qui développe une écriture fondée sur la liberté du geste et la violence de la facture. Peinture 15 C , exposée pour la première fois en mars 1957, à la Kootz Gallery à New York, illustre de manière exemplaire l’importance de ce mouvement, proche de l’ Action Painting américaine, dans le panorama artistique de l’après-guerre. De part et d’autre de l’océan, les artistes tentent, avec les seules procédures de la peinture, de rendre compte du mouvement, du dynamisme, de la vitesse et de la violence, pour témoigner de leur époque, peu après la découverte des horreurs de la guerre. Schneider et ses compagnons vivent cette situation contradictoire, l’impossibilité de peindre et son envers, le désir de reconstruire. Leur pratique picturale devient un champ d’expérimentation menée avec une relative économie de moyens, notamment dans le choix des couleurs ; leur palette se caractérise par une forte propension au noir qui permet d’accentuer les contrastes. Peinture 15 C , l’une des trois peintures de Schneider conservées au Musée, est l’exemple d’une composition parfaitement équilibrée, malgré la violence des contrastes entre les blancs et les noirs, enlevés par de larges coups de brosse chargés de matière, qui transforment les rythmes de la matière picturale en formes dans l’espace. Ses dimensions imposantes renforcent l’impression de puissance dynamique qui émane de la toile. Après guerre, la plupart des tableaux de l’artiste auront pour titre « Opus » ( Opus 45 [442] , AM 3147 P, acquis en 1951, et Opus 95-E , 1961, AM 4247, don de l’artiste en 1964) pour affirmer leur inscription dans une suite musicale, une œuvre abstraite, autonome, condensée par un geste créatif qui ordonne et rassemble, dans une vision romantique.

Didier Ottinger

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007