Extensor

José Damasceno appartient à la jeune génération d’artistes brésiliens propulsée sur la scène internationale à la faveur des célébrations du 500 e anniversaire du Brésil (2000). Comme nombre de ses compatriotes et contemporains (Ernesto Neto, Jac Leirner, Ana Maria Tavares, Rivane Neuenschwander), Damasceno privilégie l’installation. Ce dispositif plastique apparaît, dans la filiation brésilienne, comme l’ultime avatar de l’approche organique, phénoménologique et participative de l’œuvre d’art que prônaient les signataires du Manifeste du néo-concrétisme (1959) menés par Lygia Clark. Damasceno met le public au centre du système topologique qui anime son œuvre : la perception spatiale du spectateur est tout autant le sujet du travail de l’artiste que son objet. C’est sur cette base que Damasceno calcule – de préférence in situ – les coordonnées d’un espace tout entier dévolu à la stimulation sensorielle. Dans Extensor , deux réseaux de cordes traversent chacun de part en part deux paires de jumelles en résine. L’élasticité des liens concrétise l’effort d’extension formulé dans le titre de l’œuvre, évoquant la propriété de certains muscles du corps. La présence des jumelles opère une translation dans le champ de la vision, les lunettes constituant une interface métaphorique entre l’intériorité et l’extériorité de la perception. L’installation semble simuler l’activité frénétique de deux gigantesques nefs optiques au sein de l’espace mental. Cette sobre formulation de l’instabilité chaotique de l’environnement visuel contemporain fait suite à la critique des modes de représentation spatiale de l’art du xx e siècle (dont celles du cubisme et de l’expressionnisme abstrait), à laquelle Damasceno s’est livré, non sans humour, dans ses installations précédentes.

Nathalie Leleu

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007