Qualités jaunes

Piero Dorazio a contribué dans les années de l’après-guerre à faire connaître en Italie les différents courants de l’art abstrait et a participé, en tant que membre fondateur, à des groupes tels que Forma I (à partir de 1947). Du futurisme, Dorazio a retenu la conception de l’œuvre comme champ énergétique et le rôle primordial de la touche colorée dans la construction de l’espace. De l’art américain, il retrouve le traitement all over de la surface picturale et l’utilisation répétée de signes peints. De 1958 à 1963, Dorazio aboutit à des trames denses dont la couleur dominante recouvre la totalité du tableau. Les touches fluides, longues, disposées en diagonales entrecroisées, créent une texture dont le chromatisme vibre de toutes les nuances composant les couches superposées. Qualités jaunes , présenté dans de nombreuses expositions de l’artiste, notamment lors de ses deux rétrospectives françaises en 1979 (musée d’Art moderne de la Ville de Paris) et 1990 (Musée de Grenoble), est caractéristique de cette période considérée par l’artiste comme l’une des plus abouties de son parcours pictural. Dorazio a écrit à propos de cette œuvre : « J’ai peint ce tableau à un retour des États-Unis d’après le souvenir vif que j’avais conservé d’une grande collection d’art oriental. Le titre se réfère à la campagne de dénigrement contre les luttes et les aventures du peuple chinois (“le péril jaune”). Une intense lumière jaune domine le tableau, comme hommage à la sensibilité, à la grâce raffinée de la culture et de l’art de l’Orient, mais aussi en signe d’opposition au goût trivial de la peinture “gestuelle” ou “informelle” en Europe, à la dramaturgie de l’“action painting” qui dominait la scène américaine ».

Jean-Paul Ameline

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007