Le Chant des voyelles

En 1931, Lipchitz réalise deux sculptures, Nu couché avec guitare et Le Chant des voyelles (cat. rais. n° 270), commandées par Hélène de Mandrot, une grande collectionneuse et mécène suisse, pour le jardin de sa propriété L’Artaude, au Pradet dans le Var, où elles seront mises en place au cours de l’hiver 1932. Dans cette maison construite par Le Corbusier, en 1929-1931, H. de Mandrot conservait sa collection d’art moderne, comprenant notamment cinq sculptures et deux dessins de Lipchitz, qui furent légués par elle en 1947-1948 au Kunsthaus de Zurich. Après La Joie de vivre (1927), installée dans le jardin cubiste de Guévrékian de la villa Noailles, conçue par Mallet-Stevens, Le Chant des voyelles est sa deuxième sculpture monumentale de plein air, réalisée en rapport étroit avec son environnement naturel et architectural. Sa forme ailée majestueuse, où se confondent les thèmes d’Icare, de l’oiseau et de la musique, est dérivée des figures de harpistes, créées en 1928. Mais son contenu est aussi fortement spirituel : « J’avais lu quelque part l’histoire de la découverte en Égypte d’un papyrus sur lequel était écrite une prière appelée Le Chant des voyelles , une chanson composée uniquement de voyelles et destinée à maîtriser les forces de la nature » ( My Life in Sculpture, op. cit. , p. 110). Si Le Corbusier a apprécié cette « stèle dont la palmette finale se déploie dans le ciel au-dessus des montagnes » ( Œuvre complète , vol. 1 : 1929-1934 , Zurich, Artemis, 1966, p. 61-62), Georges Limbour lui a consacré un poème : « Elle est un instrument à vent et à soleil, elle est une porte monumentale pour nuages, pluie, éclairs, tonnerre et lumières ». Le socle maçonné original, conçu en 1931, a été coulé dans le bronze lors des fontes. L’exemplaire en bronze du Musée, fondu en 1949 chez Hohwiller, a été commandé par le Mnam en 1948. Pour respecter la clause d’unicité exigée par la commanditaire du premier bronze, Lipchitz modifia le plâtre original en 1947. Depuis 1993, la sculpture est déposée dans le parc du Musée d’Art moderne de Lille-Métropole à Villeneuve d’Ascq.

Brigitte Leal

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007