Débris 03

Débris 03 , qui appartient à la deuxième série des « Débris », se situe dans le sillage du travail exposé à l’ARC en 1970, où étaient montrées des surfaces blanches, parfois animées d’un léger relief, mais dépourvues désormais de tout signe pictural. Ici, la toile, recouverte d’une couleur neutre à l’acrylique qui se confond presque avec celle du support, porte seulement les marques du pliage régulier qu’elle a subi. Les séries « Suite Média » (1974), « Papiers-Pleins » (1975), « Bris-Signes » (1980), parmi lesquelles se rangent aussi les « Débris », ont substitué à la peinture le travail du matériau. Si la peinture se contentait de faire naître un signe qui se manifestait comme l’émanation première de l’espace, ici, l’artiste restreint encore davantage ses moyens, pour demeurer en deçà même de la peinture. Le support peut suffire en effet à faire surgir l’espace et à l’animer. Dans un entretien avec Dominique Bozo, en 1978, Degottex évoque les « inépuisables ressources, [les] possibilités du minimum » (Degottex , cat. exp., 1978, op. cit. , p. 31). C’est, à l’évidence, ce dont il nous rend spectateurs avec ces « Débris ». Le titre lui-même désigne cet abandon par l’artiste des outils de la peinture et ces restes dont il décide de s’accommoder. Pourtant, il ne faut voir là ni complaisance misérabiliste, ni déconstruction de l’œuvre fondée sur un postulat matérialiste. Bien au contraire, Degottex cherche à atteindre le maximum d’intensité à partir d’une réduction radicale des moyens. Couleurs et lumières, déjà rares, se sont définitivement évanouies, il n’y a plus de traces, sinon les pliures imperceptibles : l’œuvre est ce simple diaphragme où s’imprime le souffle régulier de l’espace.

Anne Malherbe

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007